Avec Jouer le jeu, Fatima Daas explore le parcours d’une adolescente brillante, prise entre ascension sociale et désirs secrets. Un récit sensible et sincère, mais qui peine parfois à libérer toute l’intensité que l’on attendait de cette jeune autrice.
Quatre ans après La Petite dernière, qui interrogeait identité, foi et sexualité, Fatima Daas revient avec un second roman très attendu. Avec Jouer le jeu, elle déplace son regard vers l’adolescence et les années lycée, en s’attachant au parcours de Kayden, jeune fille issue d’un milieu modeste, brillante élève promise à un avenir que son environnement ne lui prédestinait pas.
Encouragée par sa professeure de français, Madame Fontaine, Kayden se prépare au concours de Sciences Po, voie royale vers la réussite sociale. Mais rapidement, cette relation prof / élève se double d’un trouble plus intime : Kayden est attirée par cette femme qui représente pour elle bien davantage qu’une simple enseignante. Ce glissement de l’admiration vers le désir structure le récit, en même temps qu’il accompagne le passage de l’adolescence vers l’âge adulte.
Fatima Daas croise plusieurs thèmes dans ce roman. Celle du déterminisme social d’abord : comment sortir de l’étiquette trop vite collée aux jeunes issus de quartiers populaires ? Elle montre combien le regard d’un professeur peut être décisif, combien une relation de confiance peut favoriser la réussite scolaire. À cette réflexion s’ajoute celle de l’identité sexuelle, abordée avec la pudeur et la retenue qui caractérisent l’autrice. Jouer le jeu restitue les hésitations d’une adolescente lesbienne, ses efforts pour taire ou dévoiler son attirance, et le poids du regard des autres, qu’il s’agisse des camarades ou de la famille.
À travers Kayden, c’est aussi l’amitié entre adolescents, les liens fraternels complexes, les silences imposés au sein du foyer, qui affleurent. La romancière capte ces instants de vie avec une écriture simple, directe, jamais surjouée, privilégiant la sincérité à l’effet.
On ne sortira pas forcément bouleversé de la lecture de ce roman qui laisse l’impression d’un récit parfois trop sage. Là où l’on aurait aimé être bousculé, on reste souvent en retrait, comme si Fatima Daas s’interdisait de franchir certaines limites narratives. Reste un texte juste, qui confirme le talent de Fatima Daas pour raconter l’intime et dessiner des personnages en tension entre ce qu’ils sont et ce qu’ils aspirent à devenir. Un roman sensible et honnête, qui témoigne d’une autrice qui est en train de trouver sa voix.
Benoit RICHARD