[Live Review] The Lemonheads, Foggy Bottom et The Silly Toys au Café de la Danse : frustration à la Bastille

Quelques jours avant la sortie d’un nouvel album, Evan Dando et ses Lemonheads sont à Paris dans le cadre de leur tournée européenne. Une bonne occasion de confirmer que sur scène, Dando ne rend pas hommage à des compositions pourtant excellentes.

The Lemon Heads Café de la Danse
The Lemonheads au Café de la Danse – Photo : Laurent Fegly

C’est une soirée intrigante qui se profile au Café de la Danse ce jeudi soir. Les Lemonheads et surtout leur leader Evan Dando sont responsables de deux des albums les plus emblématiques des années 90. It’s a Shame About Ray et Come On Feel The Lemonheads, gorgés de mélodies et de guitares fantastiques, ne quittaient pas les platines CD des fans d’indie rock du début des années 90. Très bien produits, ils restent encore plus qu’écoutables maintenant, suffisamment pour que la perspective de les entendre dans une salle à taille humaine puisse être sympathique, pour peu qu’Evan Dando, réputé pour son comportement erratique sur scène, ne gâche pas tout.

Direction donc Bastille un jour de grève, merci la ligne 14 qui devrait nous permettre de nous rapprocher suffisamment, mais avec une pensée pour ceux qui viennent de banlieue et qui risquent de manquer à l’appel ce soir pour un concert qui de toute manière n’est pas sold out.

Silly Toys Café de la DanseComme les Lemonheads n’ont pas la réputation de traîner sur scène, deux premières parties françaises sont au programme. On commence avec The Silly Toys, un groupe emmené par Stéphane Weis, qui se situe dans une lignée Brit Pop classique, et dont l’unique album est sorti est 2020. Un nouveau disque est à priori prévu prochainement, mais Weis arrive seul avec sa guitare sur scène à 19h30, devant très peu de monde. Il va interpréter des titres de son groupe, dont leur premier single, Strangers et The Other Side, qui conclue l’album. Pas simple quand on a réussi à dégoter une première partie comme cela, de se retrouver devant un public aussi maigre, mais Weis ne se démonte pas et s’en sort très bien : belle voix, titres accrocheurs qu’on imagine bien interprétés par son groupe, il s’avère être un excellent guitariste qui arrive en tout cas à maintenir notre intérêt grâce à des compositions solides. Il termine avec The Island, qui semble être un nouveau morceau, et c’est fini pour un set de 30 minutes sympathique. Cela peut valoir le coup d’aller voir le groupe au grand complet un de ces jours.

Une fois les lumières rallumées, nous avons droit à un passage éclair d’Evan Dando, avec sa valise à roulettes, dans la fosse. Drôle de première impression, il a l’air un peu… spécial, le mec… Bref, attendons avant de juger, et concentrons nous sur les Foggy Bottom qui investissent la scène à 20h20. Le groupe a été fondé en 1997 à Thionville, et est un digne représentant de la noisy pop à la française. Après un hiatus depuis 2003, il était revenu en 2017 et sort depuis régulièrement des disques dont le dernier, Dans Cet Endroit, date de 2022. Le style de musique correspond bien au public des Lemonheads. C’est un mélange étonnant et réussi de shoegaze et de rock français, les voix plutôt en retrait pouvant faire penser à Daho, référence souvent citée dans leur bio mais qu’on ne peut pas ne pas reconnaître.

Foggy Bottom Café de la Danse

David (chant et guitare), au look d’étudiant avec ses petites lunettes, Christophe (batterie) et Sophie (basse) sont renforcés par un deuxième guitariste. Leur set va s’avérer excellent, avec, là également, beaucoup de titres que nous ne connaissons pas, et qui doivent probablement former le cœur d’un futur album. Les guitares sont très en avant, et le son nettement plus agressif que sur disque. On comprend bien la raison du nom du groupe, également nom d’un quartier de Washington DC, en hommage probable à sa scène hardcore US. Le seul souci est que cela rompt le fragile équilibre qui existe sur disque avec la voix moins forte de David, et qu’on a du mal à entendre les paroles. Pour nous donner des raisons d’avoir écouté leur discographie avant le concert, le groupe interprète deux titres de Dans Cet Endroit, Le Rond-Point et Tout ce qu’on sait faire, et ils s’intègrent d’autant mieux au reste du set qu’on peut reprocher au concert une certaine linéarité. Le dernier titre, nommé Richard sur la setlist, arrivera néanmoins à se démarquer avec un démarrage plus mi-tempo. Au global, une bonne récompense pour ceux qui ont bravé la galère dans les transports.

lemonheads café de la danseA 21h, nous sommes donc prêts pour accueillir les Lemonheads, qui vont bien nous faire poiroter. Une arrivée sur scène de la tête d’affiche à 21H35 dans une salle réputée pour sa gestion stricte du couvre-feu à 22h30, c’est du jamais vu et n’augure pas d’un set très long. Dando ne ressemble plus du tout au sex symbol de la pochette de Come On Feel il y a plus de 30 ans, il est vrai. Nous avons plutôt devant nous un sosie d’un Dave Grohl très fatigué, mâtiné de Capitaine Caverne. Il est accompagné par Farley Glavin à la basse et John Kent à la batterie.  Après quelques notes du Mr Crowley d’Ozzy Osbourne, le premier morceau est une excellente surprise puisqu’il s’agit d’Hospital, l’un des titres phares de Car Button Cloth, un excellent disque de 1996 qui a connu un succès moindre que ses prédécesseurs, mais qui renferme son lot d’excellentes chansons. Mais déjà, une évidence : le groupe joue bien, serré, avec un côté Dinosaur Jr, les power chords sont là, mais Dando a un mal fou et chante très mal. C’est parti pour une heure de titres enchainés très rapidement, entrecoupés de quelques tentatives d’anecdotes difficilement compréhensibles (Si ce n’est qu’il aime la France, Biarritz et la glace à la pistache). La structure du set est claire : A compter du deuxième morceau, c’est album après album : quelques titres de It’s a Shame About Ray, on enchaine avec plus de la moitié de Come on Feel The Lemonheads, et la découverte de nouveaux morceaux aura lieu juste avant le rappel. Pourquoi pas ? C’est à peu près ce pour quoi on est venu, après tout. Il faut reconnaître qu’il y a eu des bons moments, notamment durant l’enchainement imparable It’s about Time / Down About It / Paid to Smile / Big Gay Heart, et plus tard un joli Dawn Can Decide. Dando a beau essayer, il est impossible de totalement les planter celles-là, les compositions sont des merveilles, les mélodies splendides, le public apprécie, le solo à la Neil Young est cool, et même si les chœurs de Juliana Hatfield nous manquent, ce passage nous ramène 30 ans en arrière.

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La magie retombe vite avec un Rick James Style curieux et foiré, Dando a pris la basse et laissé la guitare à Glavin qui se débrouille bien. Difficile de comprendre pourquoi Dando a besoin de shooter dans le micro, visiblement plus qu’énervé. Il faut reconnaître néanmoins qu’il a l’air globalement content d’être là, et que sur l’échelle Lemonheads, ce concert aura été presque sobre. On sait en tout cas qu’il est capable de bien pire. La fin du set est donc consacrée à trois titres du prochain album : In the Margin / Togetherness Is All I’m After / Deen End. Ce ne sont pas de mauvais morceaux, loin de là, et il est possible que l’album soit, in fine, réussi, la production gommant les imperfections des vocaux en live. La guitare solo de Jay Mascis sur la version studio déjà sortie de Deep End donne en tout cas vraiment envie d’écouter l’album. Mais là, franchement c’est dur à apprécier tant Evan Dando ne fait aucun effort. Espérons en tout cas que pour les futurs concerts, il arrive à retenir les paroles de ces nouveaux titres, car il a encore besoin pour l’instant d’une antisèche géante posée sur la scène.

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Il est 22h40 et le groupe quitte la scène sans un mot. Les lumières se rallument instantanément, et là nous comprenons que les deux rappels prévus sur la setlist ne vont pas être joués : exit donc The Key of Victory, Jello Fund qui aurait pu donner lieu à un grand délire, mais surtout It’s a Shame About Ray et The Outdoor Type que pour le coup nous attendions avec impatience. Nous n’aurons pas droit non plus aux reprises jouées par exemple à Berlin (Landslide du Mac, Look Out for My Love de Neil Young, ou How Will I Know de… Whitney Houston). Impossible de savoir si c’est un loupé ou quelque chose de volontaire, ça n’en reste pas moins très dommageable. Avec tout le respect que nous avons pour des premières parties qui ont fait le job, c’est pour la tête d’affiche que nous nous déplaçons et la voir zapper ses rappels par probable manque de temps, alors qu’elle a commencé à jouer plus de deux heures après l’ouverture des portes, ça énerve pas mal.

C’était mon premier concert des Lemonheads, l’expérience ne sera probablement pas renouvelée.

The Silly Toys :
Foggy Bottom :
The Lemonheads :

Laurent Fegly

The Lemonheads, Foggy Bottom et The Silly Toys au Café de la Danse
Production : Take Me Out
Date : 18 septembre 2025

1 thoughts on “[Live Review] The Lemonheads, Foggy Bottom et The Silly Toys au Café de la Danse : frustration à la Bastille

  1. Présent à ce concert j’ai bien aimé Foggy Bottom que je ne connaissais pas de nom et de musique. C’est un croisement entre Teenage Fanclub, Dinosaur Jr. et Les Thugs.
    J’ai aussi bien aimé la tête d’affiche malgré le fait que je n’avais plus en mémoire leurs morceaux. Je suis surpris que ne parliez pas du tout du son de sa guitare extrèmement fort qui est une composante importante dans ce genre de musique. Et là nous avons été gâtés. A titre personnel, placé devant son ampli, j’avais mis des bouchons d’oreilles ce qui est trés trés rare de ma part. Que du bonheur !
    Quant au timing je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a un véritable problème quand un groupe ne peut pas jouer tout son répertoire à cause de l’horloge imposée par le couvre-feu. Pourquoi avoir mis deux premières parties alors qu’une seule aurait été suffisante et ne risquait pas d’amputer le set des Lemonheads. Ce n’est malheureusement pas la première fois que je constate ce genre de situation. Comme vous l’écrivez c’est trés dommageable ! Cependant j’ajoute quand même que Evan Dando avait vraiment envie de continuer à jouer ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé.

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