Avec humour et tendresse, Christian Authier signe un roman où un fils tranquille voit sa vie chamboulée par le retour d’un père fantaisiste et envahissant, entre secrets de famille, amours naissantes et douceurs du quotidien.
Alexandre Berthet fait des piges pour un magazine Culturel sur Toulouse. Il mène une vie d’éternel étudiant, sans trop de besoins et à peu près autant d’envies. le garçon partage avec son chat un appartement confortable dont il a hérité et son agenda ne se noircit qu’aux heures des repas et des sorties entre copains.
Il observe le monde depuis les terrasses de café, flâne dans les rues pour nourrir son inspiration et assouvir sa passion pour la photographie. Un stakhanoviste de l’oisiveté. Un contemplatif avec l’accent du sud-ouest, celui qui articule toutes les lettres et a inventé les voyelles éternelles.
Sa vie est un long fleuve tranquille, la Garonne en l’occurrence, mais une crue soudaine va rompre ses digues familiales avec le débarquement de son père, façon tsunami.
Le dénommé Patrick, qu’il n’attendait plus, avait mis les voiles sans préavis alors qu’Alexandre était petit garçon. Cela ne va pas l’empêcher de squatter chez son fils en toute désinvolture.
Comment gérer les retrouvailles avec un géniteur qui vous a abandonné sans explication, qui ne s’est jamais plus manifesté, même à la mort de votre mère et qui s’installe chez vous, les pieds sur le canapé ?
Le roman de Christian Authier raconte avec finesse et humour ces retrouvailles père-fils, maladroites et pleines de non-dits, avec des compteurs qui ne peuvent pas être remis à zéro. Les absents ont toujours torts, ne serait-ce que parce qu’ils laissent les présents écrire l’histoire et faire le tri dans les souvenirs.
Patrick est un baratineur de première, sacré noceur, vieux beau sans gêne dont le bagout permet d’éviter les sujets qui fâchent. Il déborde de projets qui n’aboutissent jamais. Avec un Alexandre calme et bien plus raisonnable, les rôles de père et de fils se floutent et s’intervertissent au fil des pages. J’ai trouvé cette inversion des rôles très réussie.
Les deux hommes vont s’apprivoiser mais les secrets de famille couvent en silence et ne demandent qu’à sortir de la clandestinité.
La vie d’Alexandre va être tout autant chamboulée, mais de façon beaucoup plus agréable, par sa rencontre amoureuse avec Mara.
Même si Toulouse est le centre du monde, l’histoire va prendre un peu l’air sur la Costa Brava et dans le Lot (il ne faut pas trop s’éloigner non plus. le Nord commence à Bordeaux.)
J’ai fait ma rentrée littéraire, qui n’est faite que de sorties, à la maison. Oui, j’ai joué à domicile. Pour le Toulousain pur jus que je suis, je n’ai pas besoin de cartes pour me repérer dans les romans de Christian Authier. Mais au-delà des lieux réels qu’il décrit, il parvient à restituer une douceur de vivre qui a un arrière-goût Nougaresque teinté de nostalgies pour les années 90 et 2000.
Roman original sur la famille et ses secrets qui a le mérite de ne pas participer à cette overdose larmoyante de récits « réels » dans lesquels chaque auteur y va de l’autopsie généalogique de sa mère, de son père, de son papi, de sa mamie et prochainement, vu le manque d’inspiration, de son doudou ou de son poisson rouge. SOS fiction en détresse.
Christian Authier est un romancier cinéphile, émouvant et drôle, le regard toujours dans le rétroviseur : un hussard né un peu trop tard.
Il est beau mon pays.
Olivier de Bouty