« Mimésia », de Hugues Micol : la beauté subversive dans un monde sans âme

Un robot sauve un buste interdit, défiant une IA qui interdit l’art dans une galaxie sans créativité. Le très beau voyage interstellaire de Hugues Micol est un plaidoyer pour la diversité culturelle et la liberté artistique.

Mimésia - Hugues Micol
© 2025 Micol / Futuropolis

Dans un futur éloigné, dans une galaxie lointaine, très lointaine, dans un empire aux milles planètes, qui pourrait être celui de Valérian, coexistent paisiblement, des humains et des humanoïdes, plus ou moins augmentés, et des androïdes. Ils ont confié le pouvoir à Canon, une omniprésente IA.

Mimésia - Hugues MicolTin, un robot, professeur de sport au collège, découvre un buste de femme en marbre blanc. Étonnamment ému, il s’en empare et le montre à son collègue, un vieux professeur d’histoire. Ce dernier l’identifie comme une œuvre d’art italienne de notre XVe siècle. Or, Canon interdit tout forme d’art. La réalité ne saurait être reproduite, car elle éloigne le peuple du factuel. Malin, le vieil homme invoque les lois de la robotique d’Azimov, sa programmation lui impose de protéger la vie : « Dans ton O.S., il y a un programme qui t’oblige à protéger la vie. Même s’il ne respire pas, ce buste est plein d’humanité et de vie, crois-moi. » La police veille et Tin se retrouve pourchassé. L’artefact et le délinquant risquent le bannissement ou la mort. Par chance, son obsolescence avancée interdit sa prise de contrôle directe par Canon. Tin parvient à fuir… Il découvre qu’une base rebelle existe, là-bas, dans l’outre espace, sur la planète Door Ka Grah.

La mimêsis est un concept grec, celui de l’imitation de la nature artistique. Pour Platon, il est ressemblance, alors qu’Aristote y voit une représentation, à moins que ce fut l’inverse, la nuance m’échappe, peu importe, car Canon y voit un danger qui pourrait troubler l’ordre établi.

Si la résolution est un peu rapide, le dessin de Hugues Micol est extraordinaire de créativité. Chaque planche est conçue comme une véritable œuvre d’art, qui ressemble, transforme et enrichit notre univers, et je ne doute pas qu’elles ne soient exposées, à terme, dans les plus prestigieuses galeries des Milles planètes. Le trait est aussi simple que baroque, ses couleurs directes sont vives et chaleureuses. Micol nous offre des cités obscures, des planètes sauvages, des espaces insondables et un batracien collectionneur admirateur de Louis XIV, qu’il confond — mais le mal est-il si grand ? — avec Elvis Presley. Le lecteur y trouvera des hommages à la pop culture, de Moebius à Julio Ribera, de Dune à Star Wars. Attention, tous ces emprunts sont digérés et réinterprétés…

Que ce soient par les IA ou par de trop humaines autorités, la créativité, la diversité culturelle et la liberté artistique nous enrichissent et méritent d’être mieux protégées.

Stéphane de Boysson

Mimésia
Scénario et dessin : Hugues Micol
Éditeur : Futuropolis
72 pages – 19 €
Parution : 10 septembre 2025

Mimésia — Extrait :

Mimésia - Hugues Micol
© 2025 Micol / Futuropolis

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