A l’aube des années 80, Strasbourg vivait le punk et le rock’n’roll à fond les ballons : scènes locales, bars et clubs formaient un terreau propice. Entre 1982 et 1988, la formation punk-rock les Crabes connaitra une existence chaotique et underground, et cet EP reste le témoin privilégié de l’urgence qui les caractérisait.
En 1982, peu nombreux sont les groupes strasbourgeois ayant sorti un 45t. Citons Flash Gordon et leur excellent Vive Le Gouvernement et les Nec + Ultra avec leur single Week End Sanglant sorti sur Punk Records, label nancéien qui héberge KaS Product. Donc en 1982, dans une cave du centre de Strasbourg, Les Crabes répètent sans se douter qu’ils allaient changer de guitariste, recruter un batteur et enregistrer en 1988 quelques titres, dont trois sont enfin disponibles sur ce 45t.
La disparition récente du bassiste Philippe Bodet (ex-Imposteurs, Wild Disneys et futur Les Orques) poussera le batteur Olivier Terrasson (ex-Los Vulvos et futur Les Orques) à exhumer les bandes.
Au chant, Martine Manzano (ex- Horsex, Dorian Gray) se démène corps et âme, alors que le nouveau guitariste, Emmanuel Rouillon, adopte un jeu à la ligne claire. Et c’est tout l’intérêt des Crabes de proposer un cocktail rock&roll ascendance punk et cristallin à la fois. Le son reflète parfaitement l’époque, à la fois garage et élégant, les trois titres dont émergent quelques fulgurances sont enregistrés sur un quatre piste cassette Tascam dans leur cave.
« I » sonne comme une virée sur les terres communes aux Coronados, le chant en anglais est offensif et suggère la période new-yorkaise de Lizzy Mercier Descloux et les Stinky Toys. Même fraicheur, même envolée aux résonances sixties percutées par une section rythmique sous amphétamine.
« Les Héros », en français, fait la part belle à la guitare dont le son rappelle celui de Peter Buck de REM, la basse, à l’image de P. Bodet, ne fait pas dans la dentelle, suivie au cordeau par la batterie. Quelques chœurs masculins s’offrent au chant növo de circonstance. En face B, « 13e Etage » dont le texte névrotique mélange allègrement l’anglais au français, fonce en mode psychobilly qui sied parfaitement aux cris/chant troublants de M. Manzano et aux rythmes nerveux d’O. Terrasson.
Pour la postérité, Les Crabes auront croisé Dogs, The Vibes, The Milkshakes, et la sortie du 45t fait parfaitement office d’archive sonore passionnante.
Mathieu Marmillot