Premier tir groupé venu d’un groupe de blues rock qui cartonne chez lui dans l’hémisphère sud : BB & The Bullets nous offre un High Tide très plaisant, avec un blues-rock simple, direct, peu attaché aux racines US, mais nourri d’une culture pop « classique » qui en augmente l’efficacité. Ça joue court, tendu, comme si le trio n’avait qu’une seule chance de nous convaincre – et il y arrive !
On n’attendait pas forcément un choc de blues-rock en provenance de Whanganui, qui est un bled (et une rivière) de Nouvelle Zélande dont personne ici n’a jamais entendu parler… Mais après tout, l’un des albums de country qui nous a le plus parlé récemment était celui de Tami Nelson, qui habite elle aussi au pays des kiwis. Et ce High Tide, premier album d’un groupe qui fait du bruit dans l’hémisphère sud, BB & The Bullets, est une excellente surprise. Qui plus est, il est susceptible de plaire au plus grand nombre sans tomber pour autant dans la « vulgarité » que l’on peut parfois estimer nécessaire pour être « populaire » de nos jours.
High Tide, c’est douze titres que l’on a envie de qualifier dès la première écoute de « simples » et « élégants » : sans gras, menés par la guitare lumineuse de Brian “BB” Baker, leader de ce power trio « classique » qui refuse l’esbroufe et privilégie l’évidence, si possible capturée « live en studio », puisque c’est ainsi que High Tide a été enregistré. Brian, comme guitariste, reconnaît bien entendu ses influences, comme BB King, Jeff Beck ou SVR ; pourtant, il est aussi très rapide à mentionner son admiration pour les Beatles (et leurs producteurs Geoff Emerick et George Martin). Si on le pousse un peu, il avouera s’inspirer de gens dont on n’attendait pas les noms dans sa bouche : XTC ou The Clash ! Mais si ce goût pour une sophistication mélodique et / ou une énergie brute « à l’anglaise » ne s’identifie pas immédiatement dans le style musical (le blues rock, donc…) de son groupe, elle explique certainement le goût de Baker pour une musique qui enchante et séduit, plus que pour un Blues ultra-traditionnel qui perpétue fidèlement ses valeurs éternelles.
L’originalité de ce premier album – rappelons qu’il s’agissait de la norme aux débuts des années 60 – est de répartir ses douze titres entre sept compositions originales et pas moins de cinq reprises, toutes de véritables « classiques » : des titres que tout le monde connaît, signés ou interprétés par des noms illustres, comme Born Under a Bad Sign (écrite par Booker T. Jones et immortalisée par Albert King), Walking The Dog (de Rufus Thomas, que quasi tout le monde a joué, des Rolling Stones à Aerosmith, en passant même par John Cale sur son mémorable Sabotage !), The Thrill Is Gone (énorme chanson dans les mains de BB King), et… I Want You (She’s So Heavy), la bombe à fragmentation d’Abbey Road (et oui, on en revient aux Beatles !) ! Les puristes critiquent parfois des relectures assez personnelles d’incontournables du Blues et du Rhythm’n’blues, nous déplorerons quant à nous, au contraire, que les Beatles aient été traités avec un respect exagéré par Brian Baker et ses boys.
Parmi les titres signés par BB & The Bullets, une fois passée l’ouverture de l’album avec l’accrocheur Something In the Water (qui pose les bases en montrant que c’est avec sa guitare plus que sa voix que BB fait la différence), on appréciera particulièrement un High Tide brillant, seul titre où le Baker a « autorisé » un copain (il s’agit d’ailleurs d’Eddie Rayner, qui, avec ses claviers, fut l’un des architectes du son du célèbre groupe néo-zélandais de new wave, Split Enz !) à ajouter un peu d’orgue Hammon au brouet gouteux des Bullets… Et la coloration pop sixties de Little Fishies, les tonalités « robintroweriennes » de la guitare de Baker sur l’instrumental – très enlevé – Brian’s Boogie.
Le résultat est un premier album réjouissant où le nerf, la volonté de convaincre et le juste instinct en termes d’écriture prennent le dessus sur le fétichisme. Les puristes tordront le nez, les autres seront séduits… Et la suite ? Ce sera sur scène qu’elle se jouera, forcément – là où ce trio a gagné ses gallons sur sa terre à lui, en Nouvelle-Zélande. Et la marée montante se transformera peut-être en tsunami. On peut rêver.
Eric Debarnot
BB & The Bullets – High Tide
Label : Rock’n’Hall
Date de sortie : 12 septembre 2025