Porté par un nouvel album plus affirmé, Altar, les Irlandais de NewDad ont livré à la Maroquinerie, devant un public conquis d’avance, un concert oscillant entre brume rêveuse et poussées électriques… mais vraiment trop court !

NewDad, on avait croisé leur chemin à l’édition 2022 de Rock en Seine, alors qu’ils n’avaient pas encore publié d’album mais étaient portés par un joli petit buzz. On avait un peu lâché l’affaire avec leur MADRA, un peu trop dépressif à notre goût, avant que leur dernier album, Altar, ne révèle un côté plus belliqueux chez ce quatuor irlandais parfaitement accordé à son époque… Et dans l’air du temps, parce que, pendant qu’on écoutait autre chose, leur public a bien grossi en France, au point non seulement de combler la Maro en deux temps trois mouvements, mais surtout de créer une longue file d’attente Rue Boyer bien avant l’heure d’ouverture des portes. Vu la jeunesse rassurante du public, et leur empressement à rentrer dans la salle, quelque chose se passe bel et bien avec NewDad, et cela fait plaisir !
20h00 : C’est donc dans une Maroquinerie déjà bien remplie que LaFrange fait son entrée, guitare acoustique à la main, pour nous régaler de « berceuses après minuit » (c’est le titre de son nouvel EP). LaFrange (… insoumise, comme le souligne sa page Facebook avec beaucoup d’humour), c’est Zoé, une jeune chanteuse – qui porte une frange, oui ! – ayant décidé de nous ouvrir son âme au long de chansons rêveuses, qu’elle interprète d’une voix réellement remarquable. Et cela vaut la peine d’être souligné tant notre pauvre pays souffre d’un syndrome tenace de chanteurs et chanteuses sans voix et ne sachant pas chanter. Cette voix impose le silence dans une salle pourtant excitée par la perspective de voir NewDad, et elle nous hypnotisera tous (enfin à peu près, il reste bien un couple de bavards pour emm… tout le monde) pendant vingt minutes. S’il y a une limite à l’exercice, c’est bien que les chansons paraissent relativement toutes semblables, ou tout au moins se cantonnent à un tempo unique – lent, pour nous bercer – et à une seule atmosphère – parce qu’on pourrait croire qu’on est bel et bien déjà après minuit. Sinon, Zoé ne manque ni d’humour ni d’aplomb (quand elle sera interrompue par une quinte de toux…). Une jeune femme étonnante.
21h00 : NewDad, le désormais trio de Galway – ville irlandaise dont ils diront qu’elle est presque aussi jolie que Paris -, débarque enfin sur scène, alors que le public n’en peut plus d’attendre. Les départs successifs d’Áindle O’Beirn, puis de sa remplaçante Cara Joshi, ont laissé Julie Dawson (la chanteuse devenue blonde), Sean O’Dowd (le guitariste virtuose avec la boule à zéro ce soir), et Fiachra Parslow (le batteur, trop peu visible derrière ses fûts pour qu’on se risque à un commentaire capillaire) dans une formation qui n’assure plus la parité hommes-femmes… Un déséquilibre heureusement corrigé par la présence, temporaire mais efficace, de Marie Freiss à la basse.
Si la musique de NewDad a évolué vers un style plus « rock », moins dream pop, ce qui nous ravit, le groupe reste adepte de la concision : il est même un tantinet frustrant de voir la majorité des morceaux prendre fin brutalement après le dernier couplet / refrain, alors qu’on dégusterait bien un peu de prolongations instrumentales. Mais c’est le parti pris du groupe, et le cœur des compositions est une certaine qualité mélodique nourrissant les atmosphères brumeuses (irlandaises ?), qui nous ont même fait penser quelques fois à The Cure (en moins pop quand même). Le tout porté par une section rythmique plus marquée qu’avant, et de belles – mais courtes – interventions de guitare.
La setlist est, logiquement, largement consacrée à Altar, le nouvel album, très bien reçu par la critique, en France comme Outre-Manche, avec neuf chansons, complétées par quelques morceaux de MADRA, et quasiment rien des EPs antérieurs : on pourra regretter par exemple l’absence d’un I Don’t Recognise You, mais, encore une fois, la période shoegaze de NewDad est passée… On attaque en douceur par Other Side, avec son démarrage suave qui se transforme en crescendo « rock », et on conclura les trop courtes cinquante-cinq minutes du set par un Roobosh qui tape dur, certainement le titre le plus « méchant » de NewDad en ce moment. Entre-temps, on aura apprécié la mélodie et la guitare carillonnante de Pretty (un morceau qui, justement, fait « très Cure »), et le martèlement émotionnel du lyrique Everything I Wanted, l’un des morceaux qui bénéficient d’être, justement, un peu plus longs. Reste le risque de monotonie, lié à une certaine uniformité des tempos et des teintes sonores.
Mais, quand le concert se termine, bien trop vite pour un groupe qui a deux albums sous la ceinture et nombre de singles / EPs, c’est la frustration qui domine dans la salle. Le public refuse de quitter les lieux et réclamera le retour de ses héros… en vain. Ils avaient pourtant semblé ravis de l’accueil qu’ils avaient reçu, n’auraient-ils pas pu fournir un petit effort ?
On les reverra, c’est sûr, mais on espère un set un peu plus généreux, la prochaine fois !
LaFrange :
NewDad :
Eric Debarnot