Le nouveau roman de Louis-Henri de La Rochefoucauld explore les failles du vernis bourgeois et les secrets enfouis des beaux quartiers. Entre ironie feutrée, drame intime et satire sociale, l’auteur signe un récit finement ciselé, où les sentiments sonnent parfois aussi faux que les dorures des salons parisiens.

Louis-Henri de la Rochefoucauld, sortez les rallonges, n’est ni un auteur de banlieue, ni un poète des grands espaces. Ses romans fréquentent les beaux quartiers du 16e arrondissement de Paris. Même Modiano a la plume moins casanière. Il nous propose, non pas un week-end avec des cercleux à foulard pour un rallye à particules, mais un vaudeville tourmenté autour d’un triangle amoureux presque isocèle, puisque deux côtés sont d’une même langueur. La géométrie des sentiments.
Dans l’équation avec aucun inconnu, il y a le mari, ancien ministre de la Culture, producteur de cinéma Weinsteinisé, aussi craint que détesté et sacrément carencé en scrupules. Du bagout au dégout, il n’y a pas qu’une rime. Michel Hugo, c’est son nom, est riche mais misérable. Il réserve ses contemplations à ses relevés bancaires. Il sollicite Ivan, auteur à succès qui n’a rien de terrible, en rade d’inspiration depuis son divorce, afin qu’il écrive une pièce sur mesure pour sa femme, Albane. Le producteur veut ainsi relancer la carrière de son épouse, actrice célèbre retirée des sunlights. Oscar, Cesar puis placard.
La couverture mondaine du roman, le pédigrée illustre de l’auteur et la trame classique laissaient présager une comédie bourgeoise un peu dépassée par son temps, des portes qui claquent et des amants en slip bien français planqués dans l’armoire. Eh bien, oubliez le théâtre de Boulevard car ce roman s’intéresse surtout aux amours désenchantés qui se cachent sous les plafonds à moulures des hôtels particuliers. Les apparences déguisent les sentiments et les murs calfeutrent les violences.
Dans ce récit à l’humour sombre, l’auteur introduit un drame qui hante et unit les personnages : une tuerie familiale vieille de 30 ans, mitonnée à la sauce de Ligonnes. En 1994, un notable du quartier avait tué sans raison sa femme et deux de ses trois jeunes enfants. Ce fait divers n’est pas sorti de l’imagination du romancier mais de sa mémoire, puisqu’il fréquentait la même école que les enfants assassinés au moment des faits.
Le mérite de Louis-Henri de la Rochefoucauld est de jouer le funambule sur le fil de son récit sans jamais tomber ni du côté de la comédie snob arrosée de champagne éventé, ni de celui du True crime du dimanche après-midi post poulet rôti. En guise de perche d’équilibre, une ironie légère. Une belle réussite.
Difficile de ne pas terminer le billet sans une référence à l’illustre aïeul de l’auteur et à l’une de ses maximes célèbres : « nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés ».
L’ironie est apparemment génétique.
Olivier de Bouty