[Live Review] Gyasi et Pythies à la Maroquinerie (Paris) : Kiss Kiss, Bang Bang !

Soirée incandescente à la Maroquinerie, où l’on a vu Gyasi, soutenu par un groupe exemplaire, exploser tous les clichés du rock seventies dans un véritable embrasement des sens. Très fort !

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Gyasi à la Maroquinerie – Photo : Robert Gil

Le doute est permis, et le dernier album de Gyasi, le beau « paon », comme il se qualifie lui-même avant de faire la roue dans sa superbe tenue colorée et scintillante, l’a renforcé. Gyasi est-il un simple « faker » recyclant la syntaxe glam et blues rock des seventies ? Ou bien son indiscutable talent – de chanteur, de guitariste (il a rejoint récemment la tournée de reformation d’Alice Cooper) – lui permettra-t-il de s’échapper de la simple – mais brillante – redite ? Enfin, on parle de doute, mais celui-ci nous vient rarement à l’esprit, avouons-le, quand le bel animal est sur scène, tant la générosité de sa démarche, totalement « premier degré », est séduisante, une fois les amplis réglés au maximum.

2025 10 12 Pythies Maroquinerie RG (5)20h00 : si la Maro n’est pas sold out en ce dimanche soir – toujours difficile, les dimanches soirs à Paris -, elle est quand même bien remplie pour accueillir la première partie, qui n’est autre que Pythies, un trio féminin énergique que nous connaissons bien et apprécions, même si, à elles aussi, se pose la question de l’évolution et de la « transcendance » d’un modèle un peu trop éprouvé. S’il y a un renouvellement chez Pythies, c’est en tout cas l’arrivée d’une nouvelle guitariste à la présence scénique sobre et élégante, et au jeu concis du plus bel effet. On n’est en revanche pas certains de s’il y a eu changement de musicienne à la batterie – avouons-le à notre plus grande honte -, mais on appréciera particulièrement la frappe lourde parfaitement adaptée au grunge belliqueux du groupe. La setlist a évolué depuis l’année dernière, ce qui est bien, mais semble sacrifier désormais certains morceaux, peut-être trop joués, que nous aimions, et ce sera une belle version de Scared à mi-parcours qui constituera le climax du set de quarante minutes du trio féminin. On reprochera un léger sentiment d’uniformité, ce soir, et si le féminisme joliment revendiqué de Lise fait plaisir à voir – surtout face à un public assez masculin et « boomer » -, son look sexy-provocateur fait toujours débat. Ce qui est évidemment parfaitement voulu.

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21h00 : Il est toujours amusant de regarder Gyasi et ses musiciens installer leur matériel et faire leurs derniers réglages de son, habillés « en civil », c’est-à-dire (presque) « comme tout le monde », disparaître cinq minutes en coulisses et revenir pour jouer dans de magnifiques tenues colorées et exubérantes. Cette fois, Gyasi a son look « pointy shoulders, white striped, white groovy » : on ne l’invente pas, c’est marqué sur la setlist ! Ils devaient apparemment entrer sur The Passenger d’Iggy Pop, ce ne sera pas le cas, mais pas de souci, car le set démarre à fond la caisse sur un Cheap High turbopropulsé, qui, comme sur l’album, évoque aussi bien le Bowie heavy blues de The Man Who Sold the World que les dérapages glam de Ty Segall : ces deux références pour dire qu’on se situe quand même à un sacré niveau ! Et on ne va pas en redescendre…

2025 10 12 Gyasi Maroquinerie RG (13)… Car la setlist enchaîne de manière ininterrompue les plus belles tueries de la discographie désormais étoffée de Gyasi, dans des versions concises, infernalement incandescentes et jouées, avec un enthousiasme contagieux, à un niveau sonore adéquat, c’est-à-dire avec les amplis de guitare déversant une lave brûlante dans nos oreilles, rarement à pareille fête. En fait, quand on a dit ça, on a presque tout dit, sauf le plus important, l’excellence et la virtuosité des parties de guitares, largement assurées par le second guitariste du groupe, ce qui permet à Gyasi de se concentrer sur son chant et son show – comme d’habitude des plus spectaculaires : c’est Ricky Dover Jr., guitariste et producteur de Nashville très branché glam, qui est le prodige de la six cordes de ce soir, avec un style plus proche de celui de Mick Ronson (toutes proportions gardées) que de Jimmy Page (qui serait, lui, le modèle de Gyasi).

La setlist enchaîne ce soir des titres courts, sans les longues digressions qu’on a pu connaître parfois avec Gyasi – pas de Sword Fight ce soir, et c’est symptomatique ! L’énergie dégagée est assez infernale, le set montant en puissance au fil des morceaux, pour culminer dans sa seconde moitié, à partir d’un excellent Heartbreak Heaven et d’une version de Baby Blue bien supérieure à celle de l’album.

2025 10 12 Gyasi Maroquinerie RG (17)On a quand même droit au « break cabaret » rituel (et au boa synthétique qui perd ses plumes sur la poitrine glabre et dénudée de notre rock’n’roll star) de 23, avec un Gyasi grimpé sur la sono au-dessus de nous, avant que le rouleau compresseur millésimé seventies ne reprenne sa course.

Avec un Godhead surpuissant, un Bang Bang réclamé à corps et à cris depuis un moment par les fans, et un final dantesque quand Gyasi – qui descendra jouer dans la fosse à la joie générale – enrichira son All Messed Up par un extrait de l’immortel War Pigs de Black Sabbath. Court rappel comme pour signaler que « la boucle est bouclée », puisque Gyasi nous offre Colorful, premier titre de son premier album, finalement pas si loin du Cheap High ayant ouvert le set.

Tout le monde sort emballé (et à demi sourd, pour ceux qui peuvent se passer de l’hérésie que constituent les protections auditives dans un tel concert) de l’essoreuse sonique qu’a été la Maro. Gyasi lui-même avait l’air particulièrement ravi de la soirée, peut-être aussi parce que, comme il l’a avoué par deux fois, il était heureux d’être loin de son pays, qui n’est pas très réjouissant en ce moment. Et nous, on se dit que les États-Unis seraient un bien plus beau pays avec plus d’androgynes blonds flamboyants dans sa population, et moins de milliardaires déments et de despotes analphabètes. Kiss Kiss ? Bang Bang !

Pythies :
Gyasi :

Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

Gyasi à la Maroquinerie
Production : U-Turn
Date : le dimanche 12 octobre

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