Jehnny Beth était de passage à Paris pour deux dates, afin d’appuyer la sortie récente de son deuxième album solo, le violent You, Heartbreaker, You. Pas de doute, ce soir on était venus pour ressortir plus sourds encore de la Maro !

Chanteuse « post-punk » à succès d’estime, présentatrice d’émission télé reconnue pour sa qualité, comédienne spécialisée dans les seconds rôles laissant des traces dans les rétines (chez Audiard, Delépine et Kervern, ou Triet), nouvelle amie officielle de P.J. Harvey… Cela fait beaucoup pour une seule femme. Il était temps de faire le point sur le cas Jehnny Beth, en tournée pour appuyer la sortie, en septembre, d’un deuxième album « solo », You, Heartbreaker, You, qui marque son retour aux affaires musicales — avec son complice de toujours Johnny Hostile. Cette livraison, présentée comme radicale et assurément indus, en tout cas au cœur hardcore, nous a convaincus par moments, l’énergie étant présente, la voix aussi, mais les mélodies un peu moins, le tout réclamant un éclairage scénique.
Direction la Maroquinerie, donc, en cette deuxième semaine d’affilée de quasi été indien à Paris (en tout cas, le soleil y est présent, à défaut de températures simili estivales). Jehnny Beth y a déjà donné un premier concert ce lundi, qui a vite affiché complet, raison pour laquelle la production a rapidement annoncé une seconde date, qui a mis plus de temps à se remplir, ce qui est un peu curieux vu la rapidité de remplissage de la première et la renommée de l’impétrante.
Toutefois, la salle de la rue Boyer affiche quasi complet au moment où la pythie hardcore prend possession de la scène, avec ses acolytes : en sus de l’inévitable Johnny Hostile (guitare), Rive Hughes (basse) et Wendy Killman (batterie ; en théorie, mais soyons honnête, on ne l’a pas beaucoup vue derrière ses fûts).
Pour lancer le concert, le doublé de singles Broken Ribs et High Resolution Sadness donnent le « la » : si ce soir vous êtes venus pour des mélodies, ce sera vraiment sur un malentendu ! En revanche, pour le visuel et la puissance du son, bienvenue à vous. Jehnny court, de long en large, adresse des regards intenses avec une théâtralité appuyée, semblant hurler pour tout un chacun et pour l’armée de smartphones qui lui fait face. Avec ses airs d’aller vers le public dans un mélange de gourmandise et de brutalité, elle fait penser un peu à une version féminine et féline d’un Mike Patton (Faith No More).
Ce sera un peu le mood général tout au long du show, avec des variations régulières, comme si Jehnny savait qu’il fallait régénérer l’intérêt du public avec ses excentricités très régulièrement, quand bien même le public est constitué pour grande part de quinquagénaires (mâles). Ainsi, un coup elle chante en s’éclairant le visage, un coup elle s’offre un moment de slam sur l’oldie I’m the man… Une autre fois, elle dédie une chanson aux bisexuels (Reality), puis une autre, qu’elle s’apprête à massacrer joyeusement, à toutes les femmes dans la salle, « car elle a été écrite par une femme » : Army of me, de Björk, dans une version hardcore, et, avec tout le respect pour la voix de Jehnny Beth qui s’est un peu nuancée, la comparaison reste cruellement en faveur de l’Islandaise, évidemment. Une autre reprise sera au menu, Inversion, de Quicksand, à qui la chanteuse paie un tribut notable dans ses interviews promotionnelles récentes. Là aussi, l’interprétation de cette version ne convainc pas vraiment, mais l’intention reste : rendre hommage à un certain hardcore millésimé 90s.
Pour le reste, logiquement, la setlist fait la part belle au nouvel album, avec l’intégralité des neuf titres qui seront joués, ainsi que trois morceaux de son premier effort solo.
Dans ce jeu théâtral et punk, la palme revient aux interprétations toutes en puissance des singles No Good For People (avec une quasi mélodie) et Obssession (guère subtile, mais cathartique). Mention également à Out Of My Reach, au riff d’introduction puis à la rythmique très lourdes mais convaincantes, et à How Could You, avant-dernière chanson du set, interprétée avec Eliot. Ce dernier est un des chanteurs du groupe chest, qui assurait la première partie, dont nous n’avions vu que les dernières chansons, et qui nous ont semblé efficaces là encore très hardcore 90s, proches de The Jesus Lizard en moins râpeux et hurlant.
Conclusion logique de la soirée après une courte heure de set sans rappel, I See Your Pain nous fait penser, en retrouvant le trottoir de la rue Boyer, que nos oreilles n’ont finalement pas tant saigné que cela, même si ce n’était pas une soirée pour amateurs de bossa-nova. Bref, Jehnny Beth et son gang « sauvage » est de retour, et ça va chauffer comme prévu, toute en énergie et en théâtralité, là pour plaire dans un tableau où tout le reste n’est pas fait pour séduire. A vous de voir si vous vous laissez tenter…
Jehnny Beth :
Jérôme Barbarossa
Photos : Robert Gil
Jehnny Beth à La Maroquinerie (Paris)
Production : Radical
Date : le mardi 14 octobre 2025
En concert en France : à Lyon (Marché Gare) le 17 octobre.