[Live Review] The Boo Radleys à la Maroquinerie (Paris) : Nostalgie quand tu nous tiens…

27 ans plus tard, les Boo Radleys sont de retour sur une scène parisienne, sans leur leader de l’époque dorée Martin Carr, mais avec un répertoire en béton armé et une sacrée envie de jouer. 1h30 de concert parfait et hors du temps pour oublier le grisaille parisienne de cette fin octobre.

boo 4
The Boo Radleys à la Maroquinerie

Le gros problème avec les fans de l’indie rock des années 90, c’est qu’ils ont du mal à lâcher l’affaire, et à passer à autre chose. Leur rêve est de revoir encore et encore les Pixies jouer Doolitle en intégralité, d’assister à une tournée de reformation de Sonic Youth même sans nouveau titre ; ils ne vont pas s’embêter à aller au Supersonic découvrir de nouvelles pépites quand Stephen Malkmus est en ville. Je les connais bien, j’en suis l’exemple parfait. Les places pour dEUS, je prends, c’est cool ils jouent les deux premiers albums ! Les Lemonheads, c’est fait bien sûr et malgré les mises en garde. Mais même pour moi, les Boo Radleys, c’est un peu de l’abus quand même. Reformés à l’aube des années 2020 après un hiatus de plus de 20 ans (Kingsize est sorti en 1998), ils ont osé le faire sans leur créateur, guitariste et génial compositeur Martin Carr : ce genre d’audace fait écarquiller un peu les yeux tant c’était SON groupe. Deux disques sont sortis en 2022 et 2023 (Keep On With Falling et Eight), écoutables d’une oreille et oubliables instantanément. Martin Carr leur manque, le son de sa guitare également. Donc pour le coup, c’est clair, on ne veut pas en entendre des extraits ce mercredi à la Maroquinerie. Ce soir j’assume mon envie de nostalgie pure !

Il faut dire que ce n’est pas n’importe quel groupe, les Boo Radleys. Ils sont responsables de deux des plus grands disques des 90’s, Giant Steps tout d’abord (le Pet Sounds des 90’s, oui j’ose le dire !) et C’mon Kids juste en dessous (Pour certains c’est le contraire) : des disques gorgés d’idées stupéfiantes et de mélodies uniques. Entre ces deux monuments, Wake Up leur avait permis de développer leur penchant pop, et leur avait permis d’avoir un gros tube (Wake Up Boo !). Le groupe devrait allégrement puiser dans ce disque pour contenter une Maroquinerie sold out. Martin Carr n’a pas décidé de revenir mais il reste trois des membres fondateurs, Tim Brown (basse et claviers), Rob Cieka (batterie) et surtout Sice Rowbottom au chant et à la guitare.

Le début de soirée est compliqué avec une attente de l’ouverture des portes sous des trombes d’eau, mais nous sommes avec un public comprenant quelques jeunes, ce qui est une bonne surprise. Le public plus âgé est plutôt en train de se remémorer le dernier concert en France qui date d’une Black Session de 1998 pour promouvoir Kingsize, le dernier album avec Martin Carr.

g rex 1La première partie est annoncée comme Galapagos Rex, projet de pop expérimentale. Le genre de perspective qui habituellement pourrait nous amener à prendre un petit plat au restaurant de la Maroquinerie et rentrer dans la salle pour 21h. Cela aurait été une mauvaise idée, et en fait il n’y avait pas de quoi avoir peur. Derrière ce nom, se cache Louis Smith, un guitariste et auteur/compositeur de Manchester, qui arrive sur scène à 20h avec sa guitare acoustique pour une demi-heure de chansons bien troussées. Sa voix est suffisamment agréable pour pouvoir se permettre ce set intimiste, dans lequel il reprend des titres habituellement joués en groupe. C’est finalement très classique, et tout sauf expérimental. Après un dernier October Rain d’actualité, il prend congé en précisant qu’on le reverrait, et pour cause, car il sera de la partie en tant que guitariste des Boo Radleys !

La Maro, qui avait eu du mal à se remplir, l’est complètement à 21h, lorsque les Boo Radleys rentrent sur scène. Sice semble ravi d’être là, et, aidé par ses notes et ses petites lunettes, il commence à communiquer en français avec le public, avant que le groupe ne débute son concert par le titre d’ouverture de Giant Steps, I Hang Suspended. Une guitare est posée devant la batterie, probablement pour reproduire la pochette de Wake Up. Nous comprenons rapidement que nous ne sommes pas placés au mieux, juste devant Louis Smith qui n’a pas d’ampli sur scène. Donc pendant que derrière tout est parfait, dans les premiers rangs nous n’entendrons que peu de guitare… Un problème de plus en plus fréquent, m’explique-t-on alors. Mais en tout cas l’interprétation est fidèle, et cela n’arrivera pas à gâcher notre plaisir, même si nous aurions aimé nous prendre un peu plus dans les oreilles les grosses guitares du C’mon Kids qui suit.

boo 1Bien sûr l’étude de la setlist de Tourcoing m’avait rassuré, mais ça va mieux quand ça se produit. Pourquoi attendre la fin pour jouer le titre des Boo Radleys que j’ai le plus écouté, celui que j’utilise encore pour convaincre du génie du groupe ceux qui se disent sceptiques ? Upon 9th and Fairchild est un crossover à priori improbable entre des rythmes dub et des attaques de guitare agressive. 30 ans après, le morceau n’a rien perdu de son potentiel de sidération. Il est enchainé avec le déjà troisième extrait de Giant Steps, (Barney… and Me), et là nous avons compris que nous allions passer une soirée formidable. Ça joue bien et la bonne humeur du groupe est communicative ! Les cuivres tiennent une place importante dans la musique des Boo Radleys, qui sont accompagnés ce soir d’un trompettiste qui va avoir du taf ! Mais ça tombe bien, car ce n’est pas n’importe qui : Nick Etwell est un jazzman qui a carrément son propre trio, et il va sacrément assurer. Quel son !

Si il faut une preuve que Wake Up est l’album le plus populaire du groupe, la réception de Find The Answer Within en est la première, avant la reprise en cœur de Wake Up Boo ! Sice l’aura introduit comme étant « le grand tube » en précisant qu’il était encore joué chaque année en Angleterre dès que les premiers beaux jours arrivaient. Martin Carr a sous-entendu dans une interview que les Boo Radleys avaient perdu leur statut de groupe « cool » après ce titre. De fait son succès et celui de l’album ont généré un rétro-pédalage qui a abouti à C’mon Kids, suicide commercial dont la noirceur tranchait avec le coté ensoleillé de Wake Up. C’est un peu leur Shiny Happy People, en fait, et évidemment loin d’être notre titre préféré, mais ce soir nous sommes contents de l’entendre. C’est probablement grâce à ce morceau que le groupe peut se reformer et tourner 25 ans après, et rien que pour cela, nous allons le chanter comme le reste du public. Entre temps, Louis Smith aura montré son talent de guitariste sur If You Want It, Take It, titre que nous n’attendions pas à pareille fête.

boo 8Le groupe se lance dans un Ride The Tiger somptueux, l’une de ses plus grandes compositions, à la fois mélodique et complexe, mais n’oublie pas ses plus vieux fans avec la seule rescapée de la période Shoegaze, Lazy Day… Et ne m’oublie pas non plus, Wish I Was Skinny étant l’un de mes morceaux préférés de Giant Steps. Toute la fin du concert est formidable, Twinside, le très Who et foutraque What’s In The Box et Stuck On Amber (belle ligne de basse de Tim Brown), le tout se refermant évidemment sur l’emblématique Lazarus, après que Sice ait prévenu que le groupe ne faisait pas de rappel.

Et voilà, comme espéré, il n’y a pas eu de nouveau titre, mais que des anciennes splendeurs. Chose amusante, le groupe a quand même annoncé au début du concert qu’ils joueraient au moins un titre de tous les disques, comme si eux aussi avaient oublié leurs deux efforts récents ! Moins amusant, nous avons tendu l’oreille en l’espérant, mais le nom du compositeur des dites splendeurs n’a a priori pas été cité… En tout cas, nous comprenons bien cette reformation. La joie du groupe, la communion avec le public, les sourires permanents de Sice, les visages heureux, ça fait du bien quand on a vu Bar Italia dans la même salle la veille !

Nous sortons rue Boyer les yeux dans les étoiles, bien décidés à remettre çà la prochaine fois qu’ils passeront sur Paris.

Galapagos Rex :
The Boo Radleys :

Laurent Fegly

The Boo Radleys et Galapagos Rex à la Maroquinerie
Production : Take Me Out
Date : le mercredi 29 octobre 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.