Retour sur l’une des réussites sérielles de l’année, plongée réaliste et émotionnelle avec des médecins urgentistes d’un hôpital public de Pittsburgh aux Etats-Unis, par les producteurs d’Urgences. Une revisite du genre avec des problématiques contemporaines. Redoutablement efficace.

D’entrée, on retrouve Noah Wyle, que l’on avait adoré en jeune interne 20 ans auparavant dans la série médicale devenue modèle du genre Urgences. Il est désormais chef du service des urgences d’un hôpital fictif de Pittsburgh, bien que The Pitt ne soit pas vraiment une suite de sa glorieuse ascendante. Il semble plutôt que l’équipe de la série ait décidé de rendre compte de l’évolution de la crise du secteur public de santé américain, en y insérant une manière contemporaine de le filmer (caméra frénétique et zéro temps mort) et des profils typiques de la société actuelle dans ce pays trumpiste.

On se retrouve néanmoins en terrain familier puisque les protagonistes sont dépeints assez profondément, tant dans les caractères propres à leur investissement professionnel que dans les méandres de leur vie privée. On s’attache donc très rapidement à ces urgentistes passionnés par ceux qu’ils font, avec leurs forces et faiblesses, et en gérant au mieux les relations avec leurs collègues médecins comme leurs patients. On retrouve également des situations souvent improbables, sensationnelles même sur les derniers épisodes, à la limite parfois du raisonnable – beaucoup trop de rebondissements et de cas extraordinaires pour une seule journée passée aux urgences.
Car oui, on y arrive enfin, la grande originalité de The Pitt réside dans la temporalité de la saison : 13 épisodes de quasi une heure pour 13 heures de garde aux services des urgences. Quasi du temps réel, avec cette sensation de réalisme temporel tant la caméra s’active à courir dans tous les sens pour évoquer chaque soin apporté aux malades qui débarquent dans l’hôpital. Et du coup, par rapport à la plupart des séries médicales qui narrent des cas de patientèle par épisode, on s’attache également, ici, aux personnes qui viennent pour un problème, et que l’on va suivre sur plusieurs épisodes, voire la saison toute entière. Grande nouveauté donc : les héros sériels sont les « sauveurs », mais aussi les victimes. Même traitement, mêmes émotions, même attachement.
Pour cela, et pour que cela reste à la fois émouvant, efficace et réussi, l’interprétation doit rester impeccable. Et elle l’est. Tous les acteurs et actrices sont vibrants de réalisme et, surtout, caractérisent complètement les Américains d’aujourd’hui : du jeune transgenre à la complotiste anti-vaccin, des victimes de tueries de masse aux personnes à la santé mentale fragile, tous les portraits des soignés sont traités avec une force quasi militante, faisant de The Pitt un discours politique assez cinglant et honnête, dans cet hôpital représentatif d’un système de santé au bout du rouleau, livré à lui-même comme dans bon nombre de pays. En cela, la série rejoint sa belle acolyte française Hippocrate, qui montrait sans fard et avec lucidité la crise de l’hôpital public chez nous.
Presque documentaire dans son procédé et dans son message, spectaculaire dans sa mise en scène et son obsession à montrer des corps meurtris et les douleurs de chacun de manière crue et parfois repoussante, The Pitt finit de nous achever par son brio intense quand s’arrête la garde de la plupart de ses héros du quotidien : exsangues et harassés de ne pas avoir pu sauver des vies, mais fiers d’avoir réussi à ce que certains continuent leur chemin de vie. Malgré les aléas, malgré les problèmes, malgré tout. Continuer à vivre.
Cette palpitante journée au cœur des urgences est, avant tout, furieusement humaine.
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Jean-François Lahorgue
