David Ivar, seul maître à bord désormais d’Herman Dune, est en tournée française en solo, et était de passage à Paris pour deux dates sold out, avec plein de surprises et d’anecdotes à revendre pour son public. Surtout des histoires d’Halloween et de chats noirs.

Quel plaisir, tout de même, de s’engouffrer dans une salle obscure pour y rejoindre un artiste aimé, dont on sait qu’il va nous gratifier d’une heure et demie de jolies mélodies, de refrains imparables, et de sourires sympas. C’était à peu près notre état d’esprit, aussi bien entrant qu’en sortant du Café de la Danse ce mardi soir, pour le deuxième des deux concerts parisiens d’Herman Dune, sold out depuis plusieurs semaines.
David Ivar, désormais seul maître à bord d’Herman Dune (désormais sans tréma, sauf sur les plateformes de streaming), était de passage à Paris pour appuyer son dernier, et salué, album, Odysseus, paru en juin. Un nouvel opus intervenant après trois années consacrées au réenregistrement sélectif du back catalogue et sa parution sous forme de trois volumes distincts (The Portable Herman Dune, volumes 1 à 3), ainsi qu’à la composition de la BO d’une comédie bien française et pas indispensable, Petaouchnok. Ceci menant à deux questions, la première sémantique : doit-on dire une « curation » ici ? Et une la seconde de fond : mais pourquoi, en fait ? Pour des raisons artistiques, pour bien se réapproprier totalement l’ancien Herman Dune tout en étant pilote du nouveau ? Des raisons juridiques ? Financières ? Les trois à la fois ? On ne sait pas trop, et c’est sans doute très bien ainsi…
Arrivant sur scène avec près de dix minutes d’avance sur l’heure prévue, un peu avant 21h, après une bande enregistrée nous ambiançant avec du Johnny Cash période finale, David Ivar nous est tout de suite très sympathique, avec sa bonne bouille barbue, son air de ne pas y toucher sans être né de la dernière pluie, et son bonnet, qu’il ne quittera pas (« J’ai trop chaud… C’est ma femme qui me l’a offert et j’ai promis de l’honorer… » ). Son public sait ainsi que ce soir, ce devrait être un moment assez généreux et agréable. Le musicien ne tardera pas de rappeler assez vite dans le concert les origines du dernier album, Odysseus, au moment de jouer la chanson-titre, en livrant de nouveaux détails piquants : coincé par le covid à Montréal, et devant rester confiné avec sa femme, dans l’attente de pouvoir rentrer chez lui à Los Angeles, David Ivar explique qu’il avait trouvé refuge dans « l’hôtel de Godspeed You! Black Emperor, c’était sympa, mais complètement vide, j’avais l’impression d’être dans Shining »… Ce faisant, le musicien indique faire « ce [qu’il] déteste de la part d’un artiste : expliquer les chansons composées… »
Place alors à la musique, et elle est belle, même nue : Ivar est venu dans son plus simple appareil, seul avec sa guitare, un harmonica (utilisé sur deux ou trois chansons), un ukulélé, un luth, et quatre loupiottes pour l’éclairer – « Vous avez vu mon lightshow ? Je l’ai piqué à Daft Punk… » ironise celui qui a choisi cette esthétique pauvre pour délivrer son folk classique, mais efficace. Puisque les chansons sont là, toutes marquantes, mélodies impeccables, refrains mémorables : David Ivar connaît la recette, et c’est pour ça qu’on l’aime. Et puis, on ne le dit pas assez, alors disons-le : David Ivar a une jolie voix. Les pépites défilent donc, après un instrumental appuyé à l’harmonica lui donnant des airs de Dylan du 11ème (Paulette Pt. I) : A River Keeps Running, When a Good Man Dies, No Dice, Buffoon Of Love, My Home is Nowhere Without You, Sneakers on the Telephone Line… avec une priorité pour le dernier opus, sept en étant jouées sur les dix publiées, hors instrumentaux.
Mais surtout, l’homme sait faire pour maintenir l’attention de son public, ce qui n’a rien d’évident quand on est seul avec sa guitare : changements d’instruments (l’ukulélé sur Take Him Back to New York City), le luth « fabriqué sur mesure par Johan Johansson » (sur la récente Head Against the Wall), et même, au milieu d’accords simples, un étalage inattendu de virtuosité sur certains morceaux (comme ces soli limite flamenco sur My Home Without You et Holding a Monument, en fin de set), et anecdotes à gogo. Dans ce domaine, le public se divise assez aisément en deux catégories : ceux qui détestent ce qu’ils voient comme du « blabla » et souhaitent plus de musique et pas de « perte de temps », et ceux qui attendent cette pâte humaine, nous rappelant que les musiciens ne sont pas juste, ou pas encore, des IA.
On aura compris aisément que votre rédacteur a choisi son camp, et c’est ainsi que je me félicite des nombreuses histoires, jamais trop longues, délivrées par Ivar, tout juste revenu d’Halloween à la maison (« les enfants viennent nous voir massivement à la maison, je dois être le dernier à distribuer des bonbons de qualité… »), et, running gag intuitif car tout cela ne semblait pas « écrit » pour la tournée, des histoires de chats. Car David Ivar a trois chats. Noirs, bien sûr, « ce qui fait peur aux enfants » venus récupérer des bonbons, et c’est une contradiction personnelle qui lui plaît, à lui qui dit avoir juré par le passé à sa compagne de ne pas avoir d’animal domestique… Tout comme il avait prévu de ne pas redonner de clés sur une chanson, car il déteste ça, mais il va le faire néanmoins, avec le sourire. Notre barbu sympathique déteste aussi s’accorder, mais il le fait aussi, « je suis obligé, du coup je fais régulièrement les deux choses que je déteste le plus ». Il se fait ainsi philosophe plus qu’à l’occasion, partageant sa joie paradoxale d’être de retour à Paris (« J’adore être ici, avant, quand j’y vivais, j’étais tout le temps stressé… Il a fallu que je n’y vive plus pour que je le comprenne. Vous, vous le savez déjà… Mais pour moi il a fallu cela »). Ou encore : « Dans la vie, j’ai toujours été en retard. Par exemple, j’ai bu ma première bière à 16 ans, c’était à un concert de Nirvana (sifflements d’envie dans la salle)… Elle était chaude et plate, mais j’ai bien aimé… » Mais il fait aussi ce qu’il sait faire le mieux : jouer au Café de la Danse (« J’adore cette salle, j’y ai vu un nombre incalculable de fois Jonathan Richman, il passait tout le temps ici ! J’adore… Et c’est ici que j’ai donné mon premier concert à Paris ! »). Et délivrer du plaisir, du bonheur en barres, en n’oubliant pas d’honorer le passé, avec une douzaine de titres, et notamment trois chansons de Giant (publié en 2006), et en rappel deux autres « mini-tubes » extraits de Santa Cruz Gold (2018), Lemon et Undiscarded Jacaranda (2018), cette dernière étant la seule chanson différente par rapport à la setlist de la veille, comme une coquetterie (avait été alors jouée Not On Top, également très bien). En célibataire temporaire, il chante seul le rare – voire unique – refrain en français de son répertoire, porté par sa compagne Mayon Hanania sur l’enregistrement : « J’ai peur dans le noir / Tiens-toi près de moi / Reste avec moi ce soir / Tiens-moi dans tes bras »…
Ombres et lumières, toujours : jouant sur son « lightshow », Ivar fait éteindre toutes les lumières sur scène sauf une, dès la fin du set, demande au public de couper les siennes, afin de mieux mettre en avant la beauté crépusculaire de Into the Darkness Indeed… et de nous permettre de mieux nous concentrer sur tout ce qu’il a à nous offrir. Des anecdotes sur les chats certes, mais surtout un répertoire juste, mélodique, enchanté sans être naïf (ce qui pouvait être reproché à son « maître » Richman), bref la beauté d’une folk américaine classique, trempée dans la sueur de son existence multiple, et marquée du sceau de son empathie et de son humour naturels.
Bref, David Ivar nous a offert une nouvelle fois la preuve de la nécessité d’Herman Dune de nos jours. C’était beau, c’était bien, tout simplement.
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Jérôme Barbarossa
Herman Dune au Café de la Danse (Paris)
Production : Radical
Date : le mardi 4 novembre 2025
Herman Dune est en tournée en France – prochaines dates :
Biarritz (Atabal) le 6 novembre
Bordeaux (Rock School Barbey) le 7 novembre
Nîmes (Paloma) le 8 novembre
Marseille (Théâtre de l’Œuvre, complet) les 10 et 11 novembre
Toulouse (Le Métronum) le 12 novembre
La Rochette (La Sirène) le 13 novembre
Cherbourg (Le Circuit) le 14 novembre
Rouen (Le 106) le 15 novembre.
Puis il reviendra en France en février-mars 2026 (notamment à Paris au Cabaret sauvage le 13 mars 2026).
Toutes les dates sur http://radical-production.fr
