Avec L’homme sous l’orage, Gaëlle Nohant explore les tourments du désir et de la morale dans la France de 1917. Un roman d’atmosphère, à la fois fiévreux et d’une douceur exquise, porté par une très belle écriture.
Première incursion pour moi dans l’univers de Gaëlle Nohant, une autrice dont l’œuvre, déjà conséquente, a été salué en 2023 avec le roman Le bureau d’éclaircissement des destins, paru chez Grasset, qui a reçu le Grand prix RTL-Lire. Et je dois dire que sa littérature a été une belle découverte. D’abord celle d’un style soigné, dans lequel on trouve une forme de classicisme évident, au service d’un récit empreint de poésie et de douceur.
Nous sommes en 1917, un soir d’hiver, dans un château battu par la pluie. Une mère et sa fille, seules avec les domestiques, jouent aux cartes quand un inconnu vient frapper à la porte. Les hommes sont partis au combat depuis bien longtemps, laissant le domaine viticole entre les mains des femmes, dans l’attente du retour d’un mari, d’un frère, d’un fils.
La maîtresse des lieux refuse d’accueillir ce visiteur, malgré le mauvais temps. Il se dit déserteur et prétend l’avoir connue avant la guerre. Face à ce refus, sa fille Rosalie en décide autrement et lui ouvre la porte en secret pour le cacher dans le grenier.
Va alors naître une relation attendue entre ces deux êtres que tout oppose et qui vont finir par s’apprivoiser doucement. Mais attention à rester discrets, à ne pas éveiller les soupçons de la mère ou encore ceux de Marthe, la bonne, qui devine bien que quelque chose se trame dans la maison.
Roman fiévreux et contenu à la fois, L’homme sous l’orage explore les territoires du désir et de l’éveil des sens, mais aussi ceux de la morale, de la religion, du patriotisme et de l’art. Gaëlle Nohant orchestre ces thèmes avec une justesse rare, dans un souffle romanesque nourri par le contexte historique de la Première Guerre mondiale.
On se laisse volontiers porter par cette écriture élégante, délicieusement surannée, par ces descriptions précises et parfois picturales qui confèrent au texte une dimension cinématographique. Les personnages, admirablement dessinés, évoluent au rythme des saisons et même des années puisqu’on va suivre leur destinée, pendant mais aussi bien après la guerre, dans la toute fin du livre.
Certes, l’histoire pourra paraître convenue, son déroulement attendu, sans grande surprise, mais c’est ailleurs que réside la force du roman : dans son atmosphère ouatée, dans la finesse avec laquelle Gaëlle Nohant tisse son récit, sans heurt, sans effet, mais avec beaucoup de sensibilité et de pudeur.
Benoit RICHARD