Porté par une mélancolie lumineuse, Another Day of Love signe l’entrée remarquée de Tulip Trip dans le paysage musical. Entre douceur éthérée et intensité contenue, le groupe impose une sensibilité rare, loin des effets faciles.

Un siècle enviable serait celui d’un monde qui affirmerait la nécessité de dénoncer le mal pour sortir de ses pulsions mortifères. D’une création qui ne se préoccupe pas seulement d’une vision égocentrée, mais de ce qu’elle est : universelle et confessionnelle. Avec Another Day of Love, Tulip Trip vient à point nommé, paré d’une douceur et d’une nébulosité mélancolique. D’ailleurs, la voix de Capucine ne doit rien à personne, à aucune école, et le langage authentique, qui enfonce ses racines au plus profond de toutes les misères et de tous les secrets du monde, est ici révélé avec une véracité touchante.
Un film sans bande musicale, c’est la pièce manquante d’une vie. Les reliefs et nuances musicales de ce premier EP sont comme des fleurs tombant du ciel. En guise de préambule, UCBM s’insère directement au creux de l’oreille, magnifié par des riffs éthérés de guitares et des harmonies vocales parfaitement maîtrisées dans un condensé de deux minutes. L’introduction du titre suivant, Another Day of Love, conduit irrésistiblement vers quelque chose de désenchanté, rappelant que ceux et celles qui ont vécu, aimé et souffert, nous sont désormais inaccessibles. Tulip Trip démontre qu’il est inutile de gueuler sur de la musique amplifiée pour véhiculer des émotions. D’ailleurs, sur ce titre, Demented Glow, l’échappée est belle, vocalement et musicalement, avec ces moderatos qui permettent à l’ossature instrumentale de reprendre de sa vitalité et au chorus d’opérer son charme ensorcelant.
À l’heure de la dématérialisation, une contre-offensive prend le monde à revers. Des données prisonnières des smartphones, naît un engouement véritable pour ce qui est tangible, palpable. Par sa rareté, son originalité, son indépendance et ses nombreuses qualités, l’autoproduction permet à l’artiste de ne pas succomber aux exigences d’un label. Tulip Trip parvient à nous embarquer dans une chevauchée revêche : Drift souffle sur des braises encore rougeoyantes, oscillant entre vigueur et apaisement. C’est sur December Night qu’il est bon de s’attarder : tout y est céleste, dans un décorum onirique, captivant.
Une fois écouté, il convient de rembobiner la bande pour savourer cet EP avec une attention particulière, sans distraction aucune.
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Franck Irle
