« Ces lignes qui tracent mon corps », de Mansoureh Kamari : dessiner, pour vaincre sa peur !

Après avoir fui l’Iran en 2011, Mansoureh Kamari a travaillé pour des studios d’animation français. Ces lignes qui tracent mon corps est son premier album. Un choc !

Ces Lignes qui tracent mon corps - Mansoureh Kamari
© 2025 Kamari / Casterman

Dès la première page, Mansoureh Kamari est nue. Elle expose son corps et pose pour les élèves de son école d’animation. Elle se dessine nue en s’appropriant les regards qui se posent sur son propre corps. Sans transition, autre que la perte de la couleur, nous remontons le temps. Elle va avoir 9 ans. Jouant avec son frère, elle a vécu une enfance heureuse, elle ignore que ce temps va s’achever. Sa mère achève un voile fleuri, celui de son Jashn-e Taklif, qui marquera son passage à l’âge adulte et son entrée dans un monde clivé. Alors que son frère continuera à jouer, tenue de porter un hijab, elle sera désormais privée de toute liberté. Elle n’aura plus le droit de rire, chanter, danser, aimer et pourra être mariée de force. Bientôt, elle apprendra que ses cousines de 15 et 16 ans ont été exécutées pour un simple tract contestataire découvert dans leur cartable.

Ces Lignes qui tracent mon corps - Mansoureh Kamari Mansoureh est née et a grandi à Téhéran. Elle y a obtenu un diplôme en dessin industriel avant de fuir. Elle parvient à mettre des images sur ses souvenirs avant de nous les partager. Elle se souvient avoir toujours aimé dessiner. Elle n’a pas oublié la dureté de son institutrice. Elle raconte les agressions, les insultes et la peur constante. Elle craint le retour de son père, si violent. Un père à qui la société a concédé (presque) un droit de vie ou de mort sur ses enfants. « Quand je pense à mon père, je pense aux bleus qu’il laissait sur mon corps et mon visage. À la peur que m’inspirait son simple nom prononcé. »

Si le contexte, la dénonciation d’une oppression politico-religieuse, rappelle celui de Persépolis de Marjane Satrapi, l’exécution est très différente. Avant de raconter une aventure et l’histoire tragique d’un pays, Mansoureh Kamari se concentre sur sa propre histoire, s’attardant sur ses émotions et, surtout, explorant ses peurs. Elle met des images, et les quelques mots d’explications nécessaires, sur ses terreurs.

Pourtant, son dessin classique est d’une très grande pureté de lignes. À l’image de la très belle couverture, elle s’attarde sur les visages, souvent le sien. Elle travaille le regard, qu’elle représente rêveur, inquiet, perdu, terrifié ou en larmes… voire absent. Dans la même page, elle parvient à créer de la beauté, souvent liée à l’innocence que l’on associe spontanément à une enfant, tout en partageant sa terreur.

Au fil des pages, elle parvient à s’apaiser. L’épouvante semble refluer pour céder la place à une forme de paix précaire, de joie de vivre dans l’instant, de capacité à s’engager, jusqu’à la très belle scène finale.

Stéphane de Boysson

Ces lignes qui tracent mon corps
Scénario et dessin : Mansoureh Kamari
Éditeur : Casterman
192 pages – 24,00 €
Parution : 10 septembre 2025

Ces lignes qui tracent mon corps — Extrait :

Ces Lignes qui tracent mon corps - Mansoureh Kamari
© 2025 Kamari / Casterman

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