Quatre musiciens de renom qui unissent leurs forces sur deux disques à la fois expérimentaux, accessibles et dans l’esprit de leur ami disparu Mark Lanegan, c’est Drink The Sea, le dernier supergroupe en date. Le deuxième opus vient de sortir et cela mérite une séance de rattrapage à la Maro le 9 décembre.

On pouvait croire la période des supergroupes révolue, mais Drink The Sea en a toutes les caractéristiques : il est formé de Peter Buck (R.E.M), Barrett Martin (Screaming Trees, Mad Season, Walking Papers), Alain Johannes (Eleven, Queens of the Stone Age), Duke Garwood (Mark Lanegan Band), mais également Lisette Garcia aux percussions et Abbey Blackwell à la basse, et vient de sortir d’un coup deux albums aux pochettes ésotériques et comprenant vingt-deux titres ! Plutôt qu’une suite, le deuxième disque s’envisage plutôt comme le compagnon du premier, qui comprend les singles les plus évidents tout en approfondissant la dimension spirituelle de leur musique.
Le point commun entre tous ces musiciens, outre une même conception de musique engagée et exigeante, est évidemment Mark Lanegan. Ils ont tous de près ou de loin collaboré avec lui et son esprit est présent sur la majorité des titres, et principalement ceux chantés par Garwood. Ce dernier et Johannes se partagent le chant, avec dans beaucoup de titres le reste du groupe les accompagnant.
Le résultat est un mélange étonnant de rock, de jazz, et de world music sous l’influence du globetrotter Barrett Martin, que l’on n’avait pas entendu à pareille fête depuis le premier album des Walking Papers. Son influence est notable sur les deux titres co-ecrits avec Garwood, Land of Spirits sur le premier disque et Sacred Tree qui ouvre le second, inspirés par un voyage que les deux compères ont effectué en Amazonie. L’ambiance créée par les harmonies et les percussions nous transporte directement dans la forêt. Ces deux compositions sont une total fusion de styles, les sitars nous renvoyant dans un univers plutôt inhabituel dans le rock indépendant.
Que les fans de R.E.M n’aient pas d’attentes exagérées, peu de morceaux vont leur faire rappeler leur groupe chéri qui leur manque : sur Aching Arbour, sa guitare a d’indéniables réminiscences des titres mélancoliques du groupe d’Athens, notamment ceux d’Automatic for The People, et le single Outside Again bénéficie de ses superbes arpèges. Difficile de ne pas imaginer ce dernier titre chanté par Lanegan, sa présence est partout. Pas beaucoup de rapport non plus avec le grunge subtil des Screeming Trees, mais ceux qui suivent Barrett Martin ne seront pas surpris par son évolution.
Saturn Calling a une touche funky soul classe qui était à la mode dans les années 80, un peu Brian Ferry ou Steve WInwood, et nous avons un gros faible pour House Of Flowers, avec son xylophone et ses touches arabisantes. Ce titre a été composé au Brésil, et pour le coup il pourra rappeler aux fans de Barrett Martin le Long Gone Day de ses extraordinaires Mad Season sur leur unique album de 1995. Après le fantôme de Mark Lanegan, c’est celui de Layne Staley que nous retrouvons ici. Pas simple comme second single, mais c’est le titre emblématique de ces deux disques, à égalité avec The Strangest Season composé par Garwood, et dont les paroles « For here I find The strangest season / To dine upon the perfect reason / To drink the sea » (Car ici je trouve la saison la plus étrange /Pour festoyer sur la raison parfaite /Pour boire la mer) comprennent l’expression qui donne son nom au groupe.
On pourra reprocher le côté très maitrisé de cette musique qui ne se lâche jamais, et la prolixité du groupe dont la conséquence est une trop forte homogénéité. Nous n’allons donc pas encourager l’écoute des deux albums à la suite, mais plutôt de s’y plonger l’un après l’autre, avec la concentration nécessaire pour en saisir toutes les nuances et les richesses.
Il est à noter la distribution plus que parcimonieuse de ces albums en format physique, étonnante vu le statut des membres du groupe.
Drink The Sea est en tournée et sera à la Maroquinerie le 9 décembre prochain, et cette perspective est intrigante. Nous y serons. Les CD’s peut être aussi.
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Laurent Fegly
Drink the Sea – Drink the Sea I & II
Label : Sunyata Records
Sorties le 19 septembre 2025 et 3 octobre 2025
