[France TV] « Des vivants » : « Up all night to get lucky! »

Vivre après le Bataclan, après le 13 novembre 2015 : comment faire pour revenir au monde après avoir connu le pire ? Raconter cette histoire, c’est le défi que se sont lancés les créateurs et les acteurs de la mini-série Des Vivants, en dépit de tous les écueils. Description d’une vraie réussite.

Des vivants
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Qui a vraiment envie de regarder une mini-série de huit épisodes sur le Bataclan et les conséquences de l’attaque terroriste sur les survivants ? Pas nous en tous cas, habitués des concerts parisiens et de cette superbe salle où nous avons vécu quelques uns de nos plus beaux moments musicaux. Pas nous, surtout, dont une bonne partie des amis proches étaient au Bataclan le 13 novembre 2015, et qui avons, évidemment, du mal à accepter que leur épreuve soit devenu un sujet « de série télé », au même niveau peut-être que les habituelles bios de serial killers et autres joyeusetés malsaines qui font de l’audimat…

Des vivants afficheTout cela pour expliquer que nous sommes rentrés dans Des vivants à reculons, la télécommande à la main, prêts à appuyer sur la touche stop au moindre dérapage, prévisible, voire inévitable. Et la représentation, ouvrant le premier épisode, de l’évacuation de la salle après l’assaut des forces de police, nous a bouleversés. Et crispés. Mais il a bien fallu reconnaître que Jean-Xavier de Lestrade, Antoine Lacomblez et leur équipe ont réussi à dépeindre l’horreur de ces moments que nous n’oublierons jamais, sans tomber dans le voyeurisme, ni le pathos contre-productif, ni l’exploitation politique, ni – et c’était le plus gros écueil finalement – dans les mécanismes spectaculaires de la série « à la Netflix ».

Mis en confiance par cette entrée en matière éprouvante mais digne, nous avons alors eu envie de suivre la trajectoire au cours des jours, des semaines, des mois, puis des années qui ont suivi le 13 novembre, de ce petit groupe de survivants (de « potages » – potes otages, comme ils se sont eux-mêmes qualifiés) d’une longue séquestration de plus de deux heures, dans un étroit couloir, sous la menace de deux terroristes armés de Kalachs et portant des ceintures d’explosifs.

Construite à partir d’histoires vraies et d’un travail de fond réalisés par les acteurs avec les personnes qu’ils représentent, Des vivants est une vraie réussite, évitant à peu près tous les pièges du genre. Pas de bons sentiments, pas d’incantation pro-résilience (les « survivants » expliquent d’ailleurs à plusieurs reprises combien les injonctions à « aller mieux », « se resaisir », sont contre-productives, et même haïssables…), pas d’humanisme de pacotille (les assaillants sont de médiocres imbéciles ne méritant que notre mépris, et sûrement pas notre pardon), juste la violence de la vie qu’il faut bien reprendre, même en sachant que rien ne sera plus jamais pareil. Car la souffrance ne prendra sans doute jamais fin : il faudra bien coexister avec elle.

Alors, huit épisodes d’un peu moins d’une heure, c’est beaucoup, même si c’est ce qu’il faut pour parcourir l’espace de temps qui sépare le 13 novembre 2015 de la fin du procès des terroristes, en mai 2022. Il y a, comme dans beaucoup de séries TV, un ventre mou, quand se dilue (un peu) l’impact le plus brutal des épreuves vécues, et que les problématiques des personnages semblent « se banaliser » : problèmes de couples, problèmes professionnels, problèmes avec les enfants qui grandissent, problèmes d’argent… mais, en fait, pourquoi les « survivants » du couloir y échapperaient-ils, sous prétexte qu’ils sont des « victimes », et définis comme tels ? C’est peut-être aussi ça, l’intelligence de l’écriture de la série, que de suggérer, sans l’asséner, qu’affronter ces problèmes quotidiens, « normaux », quand on a vécu l’horreur, prend une couleur, un sens un peu différents.

Et c’est alors que le septième épisode, le plus éprouvant de tous, nous impose un long flash-back : nous voilà de retour dans le couloir, au moment de l’assaut de la BRI, et cette longue scène de tension et « d’action », heureusement filmée de manière réaliste et anti-spectaculaire, permet aussi de revenir sur tout ce qu’on a entendu jusque là, et de remettre en perspective l’ensemble des épisodes qui ont précédé.

Le dernier épisode, celui consacré en grande partie au procès, comporte deux moments-chocs : d’abord la confrontation de deux des « potages », dans un lycée, avec une élève mettant en doute la véracité de leur récit, et même la véracité de l’évènement dans son ensemble. Un passage littéralement horrible, qui en quelques secondes revient sur le cancer actuel de l’engloutissement de la vérité sous les mensonges complotistes foisonnant sur les réseaux sociaux. Et puis il y aussi les quelques minutes de l’écoute de l’enregistrement sonore de l’irruption des terroristes dans le Bataclan, quelques minutes absolument terrifiantes. Qui font comprendre plus que n’importe quel discours l’horreur de l’attaque.

Mais, au final, ce que l’on préfèrera retenir, c’est une multitude de petits instants magiques au sein de la bande de potes (félicitations à la troupe d’acteurs toute entière, qui a fait un travail formidable, au plus près de la vérité des faits et des êtres !). Comme les passages où la musique réunit à nouveau les amis et les amoureux, à l’image de l’interprétation acoustique finale du Get Lucky de Daft Punk , qui témoignent que, oui, la vie continue, en dépit de ce que veulent tous ces fanatiques religieux qui vénèrent, eux, la Mort.

« We’re up all night for good fun / We’re up all night to get lucky »

Eric Debarnot

Des vivants
Mini-série TV française de Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez
Avec : Benjamin Lavernhe, Alix Poisson, Antoine Reinartz, Félix Moati, Anne Stephens, Thomas Goldberg…
Genre : drame
8 épisodes de 55 minutes, mis en ligne (France TV) en novembre 2025

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