« Mektoub My Love : Canto Due » : Les vacances ont failli être meilleures cette fois !

Bien que non fanatique du cinéma d’Abdellatif Kechiche, notre rédacteur est allé voir Mektoub My Love : Canto Due, nouveau volet de sa franchise estivale arrivant après des controverses et une longue absence. Un film qui était devenu une arlésienne et dont il a plus aimé certaines parties que le tout.

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Mettons de côté les controverses poursuivant le cinéaste depuis La Vie d’Adèle : Chapitre 1 et 2 : Kechiche, c’est avant tout le cinéaste dont je peux adorer des scènes mais jamais aimer un film en entier. J’admets volontiers qu’il a révélé des actrices : Sara Forestier, Adèle Exarchopoulos et une Hafsia Herzi devenue depuis une cinéaste/héritière. Je comprends tout à fait le mythe autour du digne héritier de la tradition naturaliste française tournant des scènes dont il sait qu’elles finiront à la poubelle, juste pour permettre à ses interprètes de s’imprégner d’un rôle.

J’adore ainsi la longue bouffe pagnolesque de La Graine et le Mulet, nettement moins le ressort narratif grossier utilisé pour sceller le destin de son personnage principal. Dans La Vie d’Adèle : Chapitre 1 et 2, le principe d’étirement des scènes jusqu’à épuisement plombe le rythme d’ensemble du film. Les gros sabots sociologiques appliqués à la relation amoureuse me posent problème aussi. Sans parler d’un élément agaçant vu ailleurs dans le cinéma français : la facilité du recours aux différences de goûts musicaux pour surligner les différences de milieu social. Dans ce film situé dans les années 1990, les classes populaires aiment Marley, les bourgeois la musique classique. Comme s’il n’y avait jamais eu à l’époque de gens aisés adorant les Stones !

Pour Mektoub My Love : Canto Uno, le temps passé sur certaines parties du corps féminin plombait aussi le rythme d’ensemble du film là où -au hasard- ce n’était jamais le cas avec la fixation de Fellini sur les gros seins. On a de plus entre temps découvert un précurseur court et digeste du film : Bonheur, téléfilm de Cédric Kahn croisant déjà Pialat et Rozier en plein été méridional, dont la version cinéma (Trop de Bonheur) est désormais invisible parce que la projeter demande de payer les droits de morceaux des Stones, de Dire Straits… de sa BO. On n’a pas vu Mektoub my love : Intermezzo : il n’a été montré qu’à Cannes et ne le sera jamais plus.

Ce qui nous amène à Mektoub My Love : Canto Due. Une suite devenue une arlésienne cinéphile en France : il y avait toujours un critique de cinéma/un bloggeur/un cinéphile pour prétendre qu’un film monté à partir du millier d’heures de rushes de tournage de Kechiche surgirait un jour. La boite de production du cinéaste a entre temps déposé le bilan. Finalement, le producteur Pascal Caucheteux, connu entre autres pour son travail avec Jacques Audiard, sortira l’argent permettant au montage d’être mené à terme. Le film est montré cet été à Locarno, avec de bons retours critiques hexagonaux. Sachant que son auteur a été victime d’une AVC, le film a de fortes chances d’être son dernier.

Dans cette suite, un Amin (Shaïn Boumedine) rêvant toujours de cinéma revient à Sète à l’été 1994. Une actrice de séries américaines bas de gamme (Jessica Pennington) et son mari producteur (André Jacobs) débarquent un soir dans le restaurant familial après le dernier service. Ils insistent pour dîner malgré tout. La situation fournira l’occasion de faire lire au couple un projet de film d’Amine. Le couple semble souhaiter le tourner.

Au début de ce Canto Due, on pense tenir un Kechiche que l’on pourrait aimer sans réserves majeures. Ne pas passer une éternité sur le corps d’Ophélie Bau aide à proposer un montage digeste. Le film se présente comme un prolongement apaisé, non festif du premier volet. Les arcs narratifs secondaires du film sont réussis. Celui autour des intentions d’avortement d’une Ophélie (Ophélie Bau) tiraillée entre son amant Tony (Salim Kechiouche) et son chéri militaire jamais présent. Celui autour de la vie amoureuse d’Amine également.

Hélas, le pire du film se situe dans son arc narratif principal, celui autour du couple hollywoodien et du projet de film. On y trouve d’ailleurs la seule scène trop longue du film, celle où Tony tente de montrer à l’actrice ses « talents » pour l’imitation de Robert De Niro et Joe Pesci. De plus, même si l’on parle d’une franchise avec un de ses personnages principaux fan d’Aldo Maccione, les personnages pouvaient dépasser le stéréotype. Ce n’est jamais le cas ici pour le couple américain. Le récit principal amène le film vers un final fait de mauvais vaudeville et d’humour lourdingue. Avec quand même un joli dernier plan évoquant Truffaut.

Avec une impression d’ensemble en demi-teinte, Mektoub My Love : Canto Due a des chances de connaître à un niveau personnel un destin identique à celui d’autres films du cinéaste : un film dont on reverra volontiers des scènes mais que l’on ne reverra jamais d’un trait. Mais on peut après tout considérer que susciter cela est aussi le signe d’une place à part dans le cinéma français contemporain.

Ordell Robbie.

Mektoub My Love : Canto Due
Film français de Abdellatif Kechiche
Avec : Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Jessica Pennington
Genre : Drame, Romance
Durée : 2h14mn
Date de sortie en salles : 3 décembre 2025

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