Une première partie française qui joue dans la cour des grands, un trio britannique porté par le toucher unique de Barrie Cadogan : au Point Éphémère, la guitare électrique a régné sans partage, entre fuzz sudiste et élégance psyché-jazz.

Ce mardi soir, le Point Éphémère est réellement à la fête : une salle bondée (pas seulement sold out, mais littéralement bondée), un public de mélomanes passionnés mais relativement sage, des lumières impeccables, un son au-delà de toute éloge. Que demander de plus ? Deux bons sets pour contenter tout le monde ? Allez, oui ! Deux bons sets qui contenteront toutes les personnes présentes, venues d’abord pour écouter un guitariste littéralement légendaire, Barrie Cadogan : un musicien que le grand public connaît peu, mais que les autres musiciens britanniques vénèrent. Et aux services duquel des gens comme Liam Gallagher, The The, Edwyn Collins, Paul Weller, Johnny Marr, et des dizaines d’autres, ont fait appel pour les soutenir, sur scène comme en studio. Autant vous dire que, techniquement, ça n’allait pas rigoler ce soir. Pour compléter le portrait du groupe principal de la soirée, il faut savoir que le trio Little Barrie, réduit à un duo depuis le décès inattendu de son batteur Virgil Howe (fils de Steve Howe, de Yes), est désormais renforcé par une autre légende, mais de la batterie cette fois, Malcolm Catto…
20h30 : Mais avant de prendre notre leçon de guitare, il y a une première partie, qui, pour notre part, nous enthousiasme tout autant, le trio Blues Rock français, CHARB-ON, au format original, puisqu’ils n’ont pas de bassiste, mais deux guitares (et sur certains titres, des claviers). Ils ont publié un premier EP assez explosif, The Austin Sessions, qu’on a hâte de voir interprété en live. Et de fait, les quarante minutes de leur set vont s’avérer une fête ininterrompue. D’excellentes compositions dans un registre Blues Rock sudiste très authentique, jouées dans un esprit fuzz très actuel, parfaitement bien chantées, et surtout ouvrant la possibilité de superbes solos de guitare (décidément, cette soirée aura été la fête à la guitare électrique !). À noter que les paroles de certains titres, en français, passent comme une lettre à la poste. Ce qui donne envie de recommander à CHARB-ON de ne chanter que dans leur langue natale : on tient là un vrai élément distinctif par rapport aux dizaines de groupes de Blues Rock (la plupart pas aussi doués qu’eux, c’est vrai) de l’hexagone. Sans surprise, Thru With You, en avant-dernière position, est une tuerie ultime, au point qu’on se demande un peu pourquoi ne pas terminer leur set sur ce brûlot. Mais la conclusion sur Loco fait finalement du sens, d’abord parce que la mélodie est excellente, mais aussi parce que le long morceau se termine par un festival de six cordes.
21h00 : … non pas que Little Barrie aient de quoi se faire du souci techniquement après le brillant set de CHARB-ON. Dès que Barrie Cadogan pose ses doigts sur sa guitare, c’est une sorte d’envoûtement qui se déclenche : mon dieu, quel son, quel toucher, quelle subtilité, quelle originalité ! La musique que jouent Little Barrie est assez difficile à qualifier : parfois blues, parfois soul, très souvent psyché, très jazzy – en particulier grâce au swing lui aussi magique de Catto à la batterie -, avec quelques accents « pop anglaise classique » en particulier du fait de la voix de Barrie, haut placée mais aussi bien… narquoise, contrastant assez frontalement avec la souplesse et la suavité des sons tirés de sa guitare.
Quelques petits problèmes de son avec la guitare – qui seront résolus au bout de deux morceaux environ – gâcheront un peu le plaisir de l’ouverture sur le brillant Electric War, mais bon… cela fait partie des aléas, et c’est donc partie intégrante de la magie de la musique live ! Le set d’une heure quinze minutes environ sera composé presque à parts égales d’extraits des deux albums réalisés par le groupe avec Malcolm Catto (qu’on peut imaginer comme partiellement responsable de l’atmosphère jazz de nombre de compositions), Quatermass Seven (2020) et Electric War. On peut aussi attribuer la popularité du groupe auprès d’un public finalement assez jeune, non seulement à la virtuosité technique des trois musiciens, mais aussi à une coloration très sixties de la musique : par moments, on retrouve des échos de ce que jouaient Cream ou les Doors… et on sait que la jeunesse des années 20 est très attirée par cette époque de l’histoire du Rock… On découvrira plus tard que l’écriture de la musique du générique de Better Call Saul est sans doute pour quelque chose dans ce succès…

Quoi qu’il en soit, au-delà du gag récurrent de Catto qui interrompt le set pour déplacer ses fûts un peu à gauche, un peu à droite, un peu vers l’avant, un peu vers l’arrière, pour être, on l’imagine, plus à l’aise, le concert entier est marqué par une sorte de sérénité planante, parfois béate, avec de rares – peut-être trop rares, en fait – montées en puissance.
Reste que quand ils décident d’arrêter, et de revenir pour un seul titre en rappel au lieu des deux prévus sur la setlist, on se sent un tantinet frustré. On en aurait bien pris pour un quart d’heure de plus !
En se dirigeant tranquillement vers la sortie dans un Point Éphémère qui semble ronronner de contentement, on croise Lou Sordo, notre guitariste rock’n’roll / surf nationale, qui se déclare encore ébahie par ce qu’elle vient d’entendre. Comme quoi, qu’on soit inculte, musicien amateur, ou professionnel comme Lou, on a tous des choses à apprendre de Little Barrie !
CHARB-ON : ![]()
Little Barrie : ![]()
Eric Debarnot
Little Barrie et CHARB-ON au Point Ephémère
Production :
Date : le mardi 2 décembre 2025
Leurs derniers disques :
Charb-On – The Austin Sessions
Label : Electric Deluxe
Date de sortie : 7 novembre 2025
Little Barrie & Malcolm Catto – Electric War
Label : Easy Eye Sound
Date de sortie : 18 avril 2025
