Neil Young – Tonight’s the Night (50th Anniversary) : « la » référence ?

Toujours le nez dans ses Archives, Neil Young nous offre cette fois une version « 50e anniversaire » de son album culte, Tonight’s The Night. Alors, ça vaut la peine ou non ?

Tonights The Night image

Le vrai fan de Neil Young a de quoi rire un bon coup – ou pleurer, comme il veut – en lisant les articles dithyrambiques de la « presse grand public », qui s’extasie sur la réapparition du « chef d’oeuvre » de Neil, de son grand disque maudit, et patati et patata. Tous ces gens, qui n’ont jamais dû écouter dans leur vie plus de deux fois Harvest, parlent évidemment de ce qu’ils ne connaissent pas, espérant nous convaincre d’aller encore cracher au bassinet. Mais, nous, pas si bêtes, savons exactement la valeur « artistique » de Tonight’s The Night (très élevée, certes), et en avons déjà écouté suffisamment de versions, dont l’extraordinaire interprétation en public du Roxy – Tonight’s The Night Live, paru en 2018, pour ne pas nous faire rouler dans la farine aussi facilement.

Tonight's The Nigth 50th AnniversaryRappelons donc qu’en 1973, en dépit (ou à cause) de l’immense succès de Harvest, Neil Young n’allait vraiment pas bien. Les décès successifs du guitariste de Crazy Horse, Danny Whitten, et de l’un de ses roadies, Bruce Berry, liés à leurs abus de drogues, le précipitèrent « au fond du trou » : il composa une nouvelle grande chansons colérique – sa spécialité, on le sait – Tonight’s The Night, et construisit un album potentiel qu’il alla interpréter sur une scène avec une fureur (et une intransigeance) rares. Il n’était alors pas question de jouer les belles chansons de Harvest, réclamées à grands cris par le public. Neil Young voulait chanter la douleur, la fureur devant la mort d’amis emportés par une culture stupide et suicidaire de la « défonce ». Mais la maison de disques de Neil ne l’entendait pas de cette oreille, et refusa de sortir l’album, qui sera retardé de deux ans, et sera, du coup, à jamais auréolé d’une réputation de « disque maudit », qui se traduira vite en « disque culte ». Et donc, aujourd’hui, de sommet indiscutable de l’immense discographie du Loner (qui continue à croître, 50 ans plus tard) : le genre, « tu trouves Harvest génial, tu n’est qu’un ignare, c’est Tonight’s The Night qui est l’Everest de Neil Young« .

Mais bien sûr, il n’en est rien. Tonight’s The Night est un album passionnant, parce que c’est un album malade, enragé, déplaisant à l’occasion. Mais il a UN énorme défaut, comparé à la brochette de merveilles produite par Neil dans les années 70, puis les années 90 : il n’a que peu de bonnes compositions ! On retiendra, outre l’unique chef d’oeuvre de l’album, la chanson éponyme, de bons morceaux : Word on a String, Mellow My Mind, New Mama, et… Albuquerque si on est de très bonne humeur. Si on aime les plagiats assumés, le repompage de la mélodie du Lady Jane des Stones est remarquable : c’est peut-être le moment d’émotion le plus fort du disque, quand Neil chante « I’m singing this borrowed tune / I took from the Rolling Stones / Alone in this empty room / Too wasted to write my own » (Je chante cet air emprunté / Aux Rolling Stones / Seul dans cette pièce vide / Trop en vrac pour en écrire un qui soit à moi…). D’ailleurs les Stones ne poursuivront jamais Neil en justice pour ça ! Pour le reste, on est au mieux dans de la country fainéante, au pire dans du grand n’importe quoi, qui ne retient l’attention que parce que tout le monde a l’air faire n’importe quoi, et de s’en ficher complètement, pendant l’enregistrement.

Bref, pour les chefs d’oeuvres, allez voir Everybody now This Is Nowhere, After the Goldrush, On The Beach, Zuma, Rust Never Sleeps, ou plus tard Ragged Glory, on est à un bien autre niveau d’excellence. Et même pour la déjante dépressive, on ne peut guère que recommander l’écoute du live Time Fades Away, un pur ouvrage de colère et de provocation, que Neil n’accepte toujours aujourd’hui comme l’un de ses plus beaux disques, tant il doit encore avoir mal en le réécoutant.

Mais revenons à notre sujet : qu’y a-t-il dans cette édition du cinquantenaire de Tonight’s The Night qui justifie son achat ? Eh bien, les mêmes chansons dans les mêmes versions et le même ordre que dans le disque original, mais magnifiquement remastérisées. Avec un son parfait, chaud, proche. Et avec une seule exception, une version jamais entendue de Look Out Joe (un mauvais titre, d’ailleurs, peut-être le plus mauvais du disque) : la version issue des sessions Stray Gators de 1972 (produite par Elliot Mazer), qui figure sur le LP d’origine, est remplacée par un enregistrement de 1973 avec la même équipe que le reste de l’album et dans le même esprit. Ce qui est un indéniable « plus » en termes de cohérence de l’album.

Et les bonus ? Me demanderez-vous… Pas sûr que ce soit vraiment une fête, en tous cas pour les possesseurs du volume II des Archives. Il y a trois titres déjà disponibles dans ce coffret : Everybody’s Alone, une chanson de la période 72-73 déjà connue, Raised On Robbery, une jam des sessions de Tonight’s The NightJoni Mitchell est venue donner de la voix, et Speakin’ Out Jam (qui, comme son nom, l’indique est une jam à partir de Speakin’ Out). Il y aussi une version, enregistrée pendant les mêmes sessions, de Wonderin’, un vieux titre de Neil, qui, jusqu’ici, n’était disponible qu’en streaming sur le site Neil Young Archives (N.Y.A.). Et enfin, deux enregistrements inédits de titres connus : Walk On et une prise alternative (la « Take 3« ) de Tonight’s The Night.

En résumé, et je ne sais pas si cela pourra vous aider dans votre décision : ce Tonight’s the Night (50th Anniversary) représente la plus fidèle retranscription à date – et sans doute pour toujours – des sessions de Tonight’s the Night, avec un son remarquable, qui poussera à privilégier le formal vinyle. Pour ceux qui n’ont que l’album original, ou mieux / pire, qui ne l’ont pas encore, cette édition est désormais LA référence, celle qu’on fera écouter et qu’on recommandera à tout le monde. Pour les autres, fans plus ou moins complétistes ou fétichistes, eh bien, à chacun sa décision !

Eric Debarnot

Neil Young – Tonight’s the Night (50th Anniversary)
Label : Reprise
Date de parution : le 28 novembre 2025

 

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