Last Train au Trianon, ça fait presque un an qu’on s’y prépare, et les Alsaciens ont une nouvelle fois mis leur public à genoux avec un set aussi intense que généreux. Capable de capitaliser sur ses titres phare mais ne dédaignant pas les prises de risque, Last Train s’affirme de plus en plus comme l’un des leaders de la scène rock française.

Il fallait s’y prendre tôt pour se garantir une place pour les deux dates sold out de Last Train au Trianon ! 10 mois après l’acquisition des sésames, c’est enfin le jour J. Nos Alsaciens préférés avaient investi la petite Boule Noire il y a pile un an, pour promouvoir leur tout récent album III. Nous les retrouvons à quelques mètres de là dans une salle encore à taille humaine. Est-ce la dernière fois ? Peu après leur set à Rock en Seine, le groupe a en effet annoncé un Zénith pour l’année prochaine, et il est possible que ça devienne leur nouvelle norme. Sur scène ce jeudi, Jean-Noël Scherrer a précisé que 4000 places avaient déjà été vendues, avec la fosse déjà sold out, pour un concert ayant lieu en octobre 2026. Profitons donc de la relative intimité de ce superbe théâtre, salle parfaite dans laquelle ils avaient livré un concert fabuleux en 2019.

A 19h45, Saint Agnes ouvre le bal pour ce qui va être un set métal indus qui n’étonnera pas ceux qui ont noté cette récente évolution stylistique chez Last Train. Pas de quoi nous faire peur en tout cas après la soirée Gojira de dimanche. Le groupe se compose de Kitty Arabella Austen au chant, Jon Tufnell à la guitare et Andy Head à la batterie. Les influences sont claires, le groupe doit aimer Nine Inch Nails,et pour le look s’inspire probablement de Marilyn Manson. On notera aussi une similitude entre le chant de la chanteuse et celui d’Alison Mosshart des Kills à laquelle elle emprunte un évident côté badass. Le dernier album du groupe a le doux nom de Your God Fearing Days Are About to Begin et est sorti récemment. Que dire ? Dans le genre, c’est efficace et certains titres bien faits, rentre-dedans s’écoutent avec plaisir. Nous avons apprécié Gods of War et Bloodsuckers, tiré de l’album précédent du même nom. Dommage que le son n’ait pas été terrible, par contre. De façon paradoxale, nous n’avons pas complètement retrouvé la folie des disques et la puissance du groupe ce soir. On ne spéculera pas encore sur le futur de la formation, mais elle a des atouts. La voix de Kitty n’a rien d’extraordinaire mais sa présence est évidente, et le groupe a un vrai univers visuel. 30 minutes pas désagréables donc, pour un groupe à revoir.
Après les 30 minutes d’entracte réglementaires, les Last Train sont là, et hormis quelques sièges au balcon, le Trianon est complet. Quelques jours après le triomphe de Gojira à l’Accor Arena, ces deux dates complètes de Last Train à Paris redonnent foi en la santé du Rock en France et en sa capacité à attirer la jeunesse avec une musique qui, pourtant, n’a rien de commerciale. Les Last Train n’ont pas choisi la facilité avec leur dernier album indus/stoner, qui leur a, par contre, donné la légitimité de jouer au Hellfest. Les premières notes de Home résonnent dans le Trianon, le titre va être suivi par The Plan comme dans toutes les setlists depuis un an. L’effet de surprise est naturellement plus faible qu’au moment de la release party de l’album au Nouveau Casino, et la première explosion de guitare interrompant Scherrer est maintenant attendue, et ne fera sursauter que les nouveaux convertis. Malgré tout, on reste toujours aussi épatés par ce choix de démarrer le concert par deux titres aussi radicaux et tout sauf aimables. Après The Big Picture, le souhait du groupe de se remette en question était clair, et avait donné lieu à ce How Did We Get There de 20 minutes avec beaucoup de piano. Tentative louable, mais ce titre trop long n’avait pas eu le succès escompté, plombant par exemple le concert de l’Olympia. Finalement, ce renouvellement est passé par un durcissement du son, par une hystérisation de leur musique, et par le choix de l’indus. Ce début de concert leur donne raison.
Après ce début en fanfare le groupe va choisir deux titres emblématiques de ses deux albums précédents, à commencer par le formidable On Our Knees qui avait été le morceau phare de leur prestation à Rock en Seine. La montée en puissance avant l’explosion de la guitare de Julien Peultier, les ruptures de rythme, tout le génie du groupe est dans ce titre. Way Out est un classique depuis la sortie du premier album, systématiquement sur les setlists du groupe, il est encore une fois l’un des grands moments du set, comme Golden Songs à la structure nettement plus classique mais qui remporte un grand succès. All to Blame va s’avérer par contre être un temps faible. Ça défouraille mais un peu en vain. Le groupe qui sait mieux que quiconque transformer ses titres en longs morceaux de bravoure sur scène n’insiste pas trop sur celui-là pour mieux se lâcher sur Disappointed, avec Scherrer qui se lance dans la fosse comme à St Cloud, porté debout par des fans qui n’attendaient que cela. Les portables sont tous de sortie pour immortaliser cette pose.
Last Train va alors calmer le jeu avec une version au piano de The Idea Of Someone et l’apparition sur la setlist de Revenge. Ce titre ne m’avait pas trop marqué sur l’album, mais sa version live le transforme. Antoine, le batteur, s’y met incontestablement en valeur. Curieux moment prog, on est proche de Genesis sur certains plans mais ça passe bien. Je ne sais pas si cela explique la réaction de certains énergumènes dans le public, mais il y a des pénibles dans la salle qui se sont manifestés dès le début, mais ont profité des instants plus calmes pour se faire entendre et perturber la fosse.….
Le concert va heureusement se conclure par deux morceaux fabuleux : This is Me Trying, meilleur titre de III avec sa batterie martiale et la lumière blanche illuminant le visage d’un Scherrer démoniaque, avant bien sur le grand moment habituel : après un court rappel, le groupe revient présenter toute son équipe, en vraie famille. Tous ceux qui ont participé à l’organisation de ces deux dates parisiennes sont là et l’émotion est palpable. Elle va monter d’un cran avec une version bouleversante de The Big Picture. Est-ce que l’interprétation de ce soir est encore plus dingue que d’habitude ? Ou bien ce titre est-il tout simplement ce qui peut se faire de mieux en live actuellement ? En tout cas, et ça marche à tous les coups, j’ai fini ces 11 minutes en larmes…
Une soirée de grand bonheur musical donc, et il a fallu se forcer pour ne pas quémander une place pour le lendemain. Nul doute que ce grand groupe arrivera encore à nous bluffer l’année prochaine dans ce hangar souvent froid qu’est le Zénith.
Saint Agnes : ![]()
Last Train : ![]()
Laurent Fegly
Photos : Isabelle Sueur (merci à elle !)
Last Train et Saint Agnes au Trianon (Paris)
Production : Live Nation France
Date : le jeudi 4 décembre 2025
Leurs derniers disques :
Saint Agnes – Your God Fearing Days Are About to Begin
Label : Spinefarm Music Group
Date de Sortie : 31 Octobre 2025
Last Train – III
Label : Pias
Date de Sortie : 31 janvier 2025
Laurent Fegly
Last Train au Trianon (Paris)
Production : Live Nation France
Date : jeudi 4 décembre 2025
Leurs derniers albums :
