Dans L’Affaire Balzac, Hervé Jubert s’amuse à déplacer le jeune Honoré de Balzac des salons littéraires vers les chemins pierreux du Tarn et de l’Aveyron. L’écrivain en devenir, encore loin de La Comédie humaine, se retrouve lancé dans une enquête criminelle où l’histoire familiale se mêle à un drame rural.

Nous sommes en 1818. Balzac, dix-neuf ans, prend la route de Mirandol pour défendre son oncle, accusé du meurtre d’une servante enceinte. Il est accompagné d’un ancien joueur du Palais-Royal devenu son secrétaire improvisé, qui est le narrateur du livre Ce tandem improbable de détectives improvisés arpente une France encore corsetée par les traditions et les paysages agricoles d’une époque lointaine
Hervé Jubert imagine là un polar assez classique dans le déroulé du récit (collecte de témoignages, confrontations, et indices qui finissent par dessiner un tableau plus sombre qu’attendu… mais tout cela est écrit avec un sens du pastiche assez réjouissant. Au fil des pages de ce roman, on découvre un Balzac avant Balzac, ambitieux, fiévreux, endetté comme toujours, mais déjà taillé pour saisir ce que le réel cache sous ses faux-semblants. L’auteur sème d’ailleurs quelques références à l’œuvre future de son héros : la famille, l’argent, la province… tout y est déjà ou presque.
La réussite du livre tient aussi à la voix du narrateur, très gouailleur, profondément ancrée dans une oralité vive et inventive. Ni domestique modèle, ni lettré appliqué, il parle une langue du XIXᵉ siècle, très plaisante à la lecture, avec un vocabulaire d’époque, qui donne au roman une couleur délicieusement authentique.
L’enquête, dont on connaît l’issue dès les premières pages, maintient pourtant une tension continue. On suit les déplacements de ces enquêteurs amateurs comme une chevauchée dans un pays où chacun garde jalousement ses secrets. Jubert excelle à restituer ce monde rural, ses hiérarchies sociales inflexibles, ses superstitions, ses secrets…
À la fois polar, portrait d’un écrivain en devenir et hommage littéraire, L’Affaire Balzac est une jolie réussite. On y goûte le charme d’un style singulier dans un récit qui refuse les facilités. Un roman rythmé, parfois drôle, qui devrait séduire les amateurs de polars historiques.
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Benoit RICHARD
