Adaptation non sans risques du flamboyant roman d’amour de Gabriel Garcia Marquez, L’Amour aux temps du choléra réussit la gageure d’une belle reconstitution, exotique et mélancolique.

Décidément, le plus jeune prix Nobel de littérature de l’époque (en 1982) est à la mode : après la série Netflix qui revisite plutôt fidèlement Cent Ans de solitude, œuvre culte jugée impossible à retranscrire d’une autre manière que son propre auteur, c’est le dessinateur italien Ugo Bertotti qui se colle à l’autre chef-d’œuvre de l’écrivain colombien. Là aussi, ce sont près de 500 pages romanesques au possible ramassées sur moins de 130 planches : pari difficile, osé. Mais qui trouve finalement une belle cohérence.
Evidemment, on souhaite de tout cœur que le lecteur de cette adaptation se jette ensuite sur le livre (si ce n’est déjà fait) pour comprendre toute la beauté et la grandeur de son écriture ; il n’empêche que Bertotti arrive à dépeindre cette atmosphère chatoyante, colorée et triste à la fois des Caraïbes au tournant d’un nouveau vingtième siècle. Narrer des décennies d’amour impossible entre le pauvre Florentino et la belle Fermina, jeune couple animé d’une folle passion mais que les contraintes sociales et la pression familiale vont séparer sur pratiquement toute leur existence, sans que jamais le désir de lui pour elle ne s’émousse… jusqu’à des retrouvailles fortuites bien des années après…
Le crayon nostalgique du dessinateur parvient à faire exister des personnages pris dans leurs tourments, leurs passions contrariées, comme un temps qui défile bien « intranquillement ». Les planches se succèdent et les couleurs se ternissent un peu, comme le poids des années qui lentement étiolent les souvenirs des jeunes amants… l’auteur de ce roman graphique synthétise plutôt agréablement les chapitres fiévreux et nombreux de ce couple au romantisme d’un autre temps.
Malgré tout, il semble difficile de pouvoir condenser tous les moments de chassés-croisés spatio-temporels qui égrènent cette histoire, comme on n’échappe également pas aux ruptures de narration parfois trop brutales, un peu plaquées afin que l’histoire se poursuive. Pour rendre compte de la flamboyance de cette œuvre, il eût fallu probablement plusieurs tomes dessinés… Mais à défaut, on ne peut que se réjouir de l’audace assez talentueuse de Ugo Bertotti pour avoir su trouver, visuellement, la forme la plus proche de ce qui reste en mémoire de L’Amour aux temps du choléra : la passion dans des géographies moites, la mémoire du désir qui résiste aux aléas du temps, et l’amour, au-dessus de tout.
Pari risqué, pari tenu.
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Jean-François Lahorgue
L’Amour aux temps du choléra
Roman graphique de Ugo Bertotti
Adapté de l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez
Edition Grasset
128 pages – 20,90 €
Date de parution : 15 octobre 2025
L’Amour aux temps du choléra — Extrait :

