Un livre, de Fabrice Gaignault : Livre de survie

Quand la littérature devient un radeau dans l’inhumanité : Fabrice Gaignault raconte comment, dans l’ombre d’Auschwitz, un roman oublié a sauvé l’âme de Primo Levi, et rappelle le pouvoir invincible des livres face à la détresse et à l’effondrement du monde.

Fabrice Gaignault
© Laura Stevens

Ce texte ne vous apprendra pas à allumer un feu mais il permet de garder la flamme. Il ne vous aidera pas davantage à trouver de l’eau, mais parfois 80 pages suffisent à étancher sa soif. Vous orienter, peut-être, pour rebrousser chemin vers Si c’est un Homme de Primo Levi. Construire un abri enfin, à condition d’y rentrer sa bibliothèque.

couv_un_livreDans la nuit du 17 au 18 janvier 1945, l’écrivain italien attend la mort dans l’infirmerie du camp d’extermination d’Auschwitz. Il a 25 ans et souffre de la scarlatine. Il a dépassé le stade de la l’inhumanité.
Dehors, l’armée rouge s’annonce et les nazis font les cartons. Vont-ils tuer les derniers prisonniers avant de prendre la fuite ou laisser certains s’enfuir dans le froid ? Dans son état, il a le choix entre la mort et la mort. Et pourtant…
Et pourtant un médecin, à défaut de lui laisser quelques médocs, lui abandonne un roman, Remorques de Roger Vencel, inconnu au bataillon, qui a obtenu le Prix Goncourt en 1934. Un roman d’aventures de matelots bretons qui sauvent des naufragés.

Cette dernière nuit, Primo Levi va se jeter dans la lecture de ce livre comme dans une chaloupe en pleine tempête. Sa vie coule mais il laisse flotter son âme. Il survivra.

Fabrice Gaignault propose une sorte de brève méditation sur le pouvoir de la littérature. L’objet livre est une armure, la littérature une évasion qui lime les barreaux de l’esprit. Dans ce texte, il y a beaucoup plus de poésie que de bibliothérapie à la mode. Pas de Signol pour faire baisser le Cholesterol. Ni de Zola pour une mauvaise mine. Les vers d’Apollinaire soignent mieux les solitaires que les cancers. Et le Bec ? cloué par Houellebecq. Et la tête ? Vous ne soignerez pas vos migraines avec Beckett.

Quant aux survivalistes qui pensent transformer leur cave à vins en abri atomique ou qui empilent sous terre les sachets lyophilisés avec la bouille de Thomas Pesquet, autant se flinguer, lire des bouquins est peut-être le meilleur rempart contre l’effondrement d’une civilisation.
J’allais oublier. Il faut, non il est impératif de lire la postface. Elle va bien plus loin que le commentaire obscur habituel et les remerciements à papi mamie. C’est une révélation qui requestionne la théorie de la relativité…

En cette rentrée littéraire qui fait la part belle à d’obèses pavés, cette pépite littéraire rappelle que les grands livres ne sont pas forcément les plus grassouillets.
Dans le récit de Primo Levi, l’évocation de ce moment de lecture tient en deux ou trois pages. Suffisantes pour que Fabrice Gaignault en fasse une lecture de l’extrême.

Secret de lecture.

Oliver de Bouty

Un livre
Roman de Fabrice Gaignault (Auteur)
Éditeur  : ‎Arléa
83 pages – 13,00€
Date de publication ‏ : ‎ 28 août 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.