« Là où tu vas », d’Étienne Davodeau : Voyage au pays de la mémoire qui flanche

En racontant le quotidien de son épouse infirmière, Étienne Davodeau signe une bande dessinée pudique et profondément humaine, montrant des fragments de vie très touchants, face à la maladie et à l’effacement de la mémoire.

La où tu vas
© Futuropolis

Étienne Davodeau nous a souvent habitués à partager ses enthousiasmes et ses questionnements autour de nombreux thèmes qu’il a déjà abordés en bande dessinée, avec une grande lucidité mêlée de curiosité. Cette fois, il s’intéresse au travail de sa femme, Françoise Roy, infirmière libérale spécialisée dans l’accompagnement de personnes atteintes de maladies neurodégénératives.

La_ou_tu_vasSon idée est de raconter le métier de celle qui partage sa vie. D’abord réticente, elle a fini par accepter que son mari dessinateur témoigne de ce qui constitue son quotidien d’infirmière, partant chaque jour à la rencontre de malades d’Alzheimer, de personnes en fin de vie ou dont l’existence est bouleversée par la perte de la mémoire.

Davodeau tisse un récit simple et juste, sans chercher à expliquer la maladie ni à en faire un véritable sujet en soi. Il se contente d’observer, d’écouter et de restituer. Ce qu’il montre, ce sont des instants de vie : des gestes répétés, des paroles qui se perdent, des silences parfois lourds de sens, mais aussi des éclats de rire, des moments de tendresse au sein des familles, ou encore au cœur de l’association Carpe Diem, au Québec, qu’il visite en compagnie de son épouse, où elle avait effectué un stage il y a bien longtemps.

La bande dessinée est fragmentée en plusieurs parties, dans lesquelles on suit des hommes et des femmes, entourés ou non de proches, mais tous confrontés à une fin inéluctable, plus ou moins rapide.

Graphiquement, l’auteur reste fidèle à son style, avec un noir et blanc semi-réaliste que l’on connaît bien, au service d’un récit qui prend la forme d’un hommage aux soignants et aux aidants, dont l’écoute, la patience et la bienveillance sont sans doute les qualités premières. Sans jamais appuyer son propos, Davodeau rappelle l’importance fondamentale de ces métiers, de ceux qui entretiennent le lien social, bien loin des logiques budgétaires et des restrictions qui font trop souvent l’actualité de notre système de santé.

On ressort de cette lecture profondément ému, touché par tant de justesse et de douceur. Au détour des pages, on apprend aussi comment s’adresser aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, en respectant les malades par des gestes et des attitudes simples, mais capables de rendre leur vie plus douce. Un livre nécessaire, qui s’adresse à tout le monde, à vous et à moi, qui avons tous, dans nos familles, une personne dont la mémoire flanche.

Benoit RICHARD

Là où tu vas – Voyage au pays de la mémoire qui flanche
Textes et dessins d’Étienne Davodeau
Editeur : Futuropolis
160 pages – 24€
Date de parution : octobre 2025

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