Umbra, album du projet Ellereve d’Elisa Giulia Teschner, plonge profondément dans les zones obscures de l’âme. Entre doom, atmosphères black metal et réminiscences folk, il s’agit d’explorer la douleur, la mémoire et la résilience.

Notre époque est ivre de musique, au point que certaines chansons, même jouées en sourdine, débordent du crâne pour envahir chaque membre du corps. Une impulsion électrique se propage alors, suivie par l’arrivée des mots, exaltation du langage, puis par la dispersion sonore des instruments, chargés de traduire cette communication intérieure. Ellereve, projet d’Elisa Giulia Teschner, incarne cet équilibre fragile : le calme conscient de l’équilibriste, attentif à ne pas sombrer dans les abîmes.
Alors que le pire de l’humanité semblait surgir de l’ordinaire, un grain de folie s’est échappé du monde profane. Umbra s’extirpe de l’illusion pour plonger dans les tourments de l’âme, mêlant doom et atmosphères black metal diffuses. An Avalanche of Shudders, qui ouvre l’album, guide l’oreille dans un entonnoir de souffrances existentielles avant de déferler en nappes saturées. Les yeux viennent des profondeurs de l’âme, la nuit remonte jusqu’au cou : Like a Moth to a Flame désarme par sa beauté, tandis que les arpèges s’effilochent sur le rivage de Shores of Solitude. Sur l’immense Crawl, éthéré et chargé d’échos glacés, se dessinent clairement les influences de Chelsea Wolfe ou d’Emma Ruth Rundle.
Un corps frappé par la douleur — celle qui rôde, qui érode et laisse apparaître les os — traverse un torrent de boue irréversible. Irreversible résonne comme une chute brutale des ombres, un bruit sourd, une incision dans la chair que les ongles n’ont cessé de raviver. Ce troisième album s’enfonce bien plus profondément que les précédents, dépassant le folk onirique de Funeral Songs. Sans jamais sombrer dans l’outrance, Ellereve convoque les souvenirs hors de leur tombe. Mais comment la vie se défend-elle du mal qui la ronge ? Sur The Veil of Your Death, la lutte s’intensifie, et des blasts black metal éclatent comme des bouquets de sang.
Une fois prononcés, les mots se dissolvent, mais s’infiltrent sous la peau. La parole devient lambeau, celle des solitudes sombres qui se devinent sous les bois, à l’écart du monde. Plus le disque progresse, plus il s’assombrit, adoptant cette texture charbonneuse, faite de relents de chagrins anciens.
Umbra est une œuvre qui exige l’immersion. Chaque chanson exhale un parfum d’encens, jusqu’à la parade d’une renaissance que vient conclure Trauma dans une charge émotionnelle déchirante. Le voile est alors définitivement levé. Aucune lassitude ici : Ellereve atteint les cimes et décroche la lune, loin des caprices d’une artiste éphémère. Umbra s’impose comme l’un des disques les plus surprenants de 2025, dépassant les frontières de l’imaginaire et de toutes les catégories traditionnellement associées au metal.
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Franck irle
Ellereve – Umbra
Label : Eisenwald
Date de sortie : 7 Novembre 2025
