Pour Will McPhail, rien n’est plus important que l’amour ; sauf peut-être l’argent. De là à penser que l’amour sauvera le monde ? Peut-être, quoique, à la réflexion, rien ne soit moins sûr.

Après l’excellent Au-Dedans, qui cumula les récompenses, 404 Comics présente un recueil des meilleurs dessins de Will McPhail, tous publiés dans le New Yorker. Depuis onze ans, la prestigieuse revue, qui s’enorgueillit d’avoir publié Truman Capote, Stephen King, Vladimir Nabokov, Philip Roth ou John Updike, accueille le jeune britannique.
Après un bel hommage à son maître Bill Waterson, l’éditeur propose un classement thématique : la vermine, les animaux, le non-sens, la vie et l’amour… Le dispositif – un dessin en noir et blanc légendé par page – et le style – précis et incisif – rappellent celui qui fit le succès, jadis, de Claude Serre.
Le recueil doit son nom à la « vermine ». C’est ainsi qu’il qualifie ses amis, les rats fureteurs, les pigeons observateurs ou les malicieux cafards. L’ancien étudiant désœuvré en zoologie se souvient de s’être surpris, très tôt, à griffonner, sur les marges de ses cours, des berniques, puis des rongeurs et des oiseaux. Ces animaux anthropomorphisés le hantent : « Mais qu’est-ce que les pigeons peuvent bien faire ici qu’ils ne pourraient accomplir dans une belle campagne reculée ? » Êtes-vous là seulement pour nous étudier ?
Ces créatures, humains ou animales, décrivent avec justesse les angoisses de la vie moderne. S’il s’attarde sur notre rapport au travail, sur les consignes absurdes et les excès de l’autorité descendante et patriarcale, les meilleurs pages questionnent l’amour et le couple. En une ou deux courtes phrases percutantes, il témoigne des difficultés de la communication, des égoïsmes croisés et, au final, de notre commune solitude. Comme souvent, le rire ou le sourire masquent le tragique de notre condition humaine.
Suites à des difficultés de traduction, quelques vignettes m’ont laissé perplexe. J’ai tenté de deviner ce qu’il avait pu vouloir dire, l’exercice est stimulant, puis je suis passé à la suivante.
Le trait de Will McPhail est léger et ses lavis rapidement posés. Afin de fixer notre attention sur ses personnages, il sacrifie allégrement le décor. Si son trait est juste, ses héros, surtout les humains, apparaissent souvent comme perdus dans un monde plus absurde qu’ouvertement hostile. Leurs visages arrondis et leurs yeux écarquillés me hantent. Je ressens leur fragilité, leur sentiment d’être désarmé face aux aberrations de notre société. Or, les bestiaux semblaient plus forts, faut-il y voir un message ? Que veut-il nous dire ? J’y retourne.

Stéphane de Boysson
L’Amour et la Vermine – Une sélection de dessins du New Yorker
Scénario et dessin : Will McPhail
Éditeur : Éditions 404
250 pages – 35 €
Parution : 16 octobre 2025
L’Amour et la Vermine — Extraits :


