Proibido proibir (interdit d’interdire)

aff film_4.jpgInterdit d’interdire, voilà  qui devrait rappeler quelques souvenirs aux nostalgiques de 1968, formule-choc érigée en slogan que presque quarante ans plus tard, Paulo, étudiant en médecine à  Rio de Janeiro, reprend à  son compte.

Toujours sans argent, car il le dépense en livres et en pilules d’ecstasy, Paulo partage un appartement avec Léon, qui lui étudie la sociologie et sort avec Léticia, elle-même suivant des cours d’architecture. Et c’est vrai que ces trois-là , du moins au début du premier film de Jorge Duran, ne sont pas si éloignés de leurs collègues français des années 60 dans leur engagement, leurs échanges, leurs références.

Si on se doute très vite des perturbations que va enclencher l’arrivée de Léticia, Proibido proibir réserve davantage de surprises sur l’évolution de la personnalité des deux garçons confrontés, par un enchaînement d’événements, à  la violence urbaine qui sévit dans les banlieues déshéritées de Rio. Si Paulo est de prime abord désabusé et promène un regard apparemment distant sur le monde qui l’entoure – une attitude contradictoire avec son futur métier de toubib – Léon est encore un idéaliste, croyant à  la beauté du monde et aux vertus de l’humanité. Néanmoins, les deux potes sont jusqu’à  présents épargnés par la dure réalité qui frappe aux frontières de leur univers.
Le trio se retrouve donc embringué dans une cascade de situations qui les obligent à  passer leurs grandes idées au prisme d’un réel nettement plus sordide et palpable.
Il est intéressant de voir comment la personnalité de Paulo et Léon va évoluer jusqu’à  une inversion totale : Léon jugeant que tout est pourri et Paulo voyant soudain le monde sous de meilleurs auspices.

Tourné en six semaines dans des endroits de la métropole brésilienne ignorés des agences de voyage, truffé de récompenses dans des festivals tant français que sud-américains, Proibido proibir évite les écueils des principaux clichés qui collent au Brésil – le foot ne fait l’objet que d’une seule scène mineure et les deux étudiants, l’un noir, l’autre bien pâlichon, n’ont pas grand-chose des traits habituels des Cariocas. Au contraire, le cinéaste offre une vision d’un pays ravagé par la violence dont les premières victimes sont les enfants.
Ici l’intime et la trajectoire personnelle rejoignent la réflexion sociale et politique dans un film romanesque au ton toujours juste et sensible.

Patrick Braganti

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Drame brésilien de Jorge Duran – 1h45 – Sortie le 10 Octobre 2007
Avec Caio Blat, Maria Flor, Alexandre Rodrigues, Edyr Duqui