La France a peur de Nic Oumouk, de Manu Larcenet

nic_oumouk2.jpgIl faudra un jour (du moins je l’espère) que Manu Larcenet soit remercié pour le bien qu’il fait à  l’actuelle bande dessinée française. Depuis pas mal d’années déjà , il dresse une formidable galerie de portraits plus ou moins réalistes et autobiographiques, et propose sa vision de la société : désenchantée mais parfaitement ancrée dans l’actualité. Et ce deuxième tome de la petite racaille intello Nic Omouk n’y déroge pas, au contraire : aucune bande dessinée de Larcenet n’a à  ce point été politique (du moins dans son premier tiers).

Le début du livre fait clairement référence aux émeutes des banlieues françaises de 2005, puisque Nic Omouk se fait piéger pendant les affrontements auxquels il ne participait pas, et se fait prendre par la police qui le condamne à  des travaux d’intérêt général dans un village rural perdu dans la France profonde. C.’est cette partie-là  qui reste la meilleure de l’ouvrage : d’entrée, l’auteur offre un regard lucide sur ces faits divers sociaux, mais aussi un regard féroce sur leur traitement médiatique. Sans oublier son humour ravageur, il dresse en quelques pages un amer bilan de ces émeutes qui ont fait peur à  une France qui ne connaissait pas les problèmes des banlieues, mais qui n’ont visiblement pas fait réagir le monde politique sur des solutions à  envisager pour enrayer lesdits problèmes. Du Larcenet dans toute sa splendeur.

Mais l’enthousiasme du début s’émousse un peu au fil des pages : Nic Omouk découvre un monde extraordinaire, qu’il n’avait jamais envisagé auparavant : le monde paysan, un village sans tours ni abribus, où l’on fait pousser de vrais légumes et de vrais fruits »Même empreint de beaucoup de drôlerie, le monde rural selon Nic Omouk n’évite pas les gros clichés : si l’on connaît l’art de Larcenet de grossir les traits pour rendre ses personnages attachants, sa peinture reste un peu superficielle, cela manque un peu de crédibilité et de dérision »de plus, la fin de la BD s’aventure vers l’imaginaire et le récit fantastique sans convaincre totalement.

Je reste un peu déçu de cette suite des aventures rurbaines du petit phénomène des cités, malgré un début fracassant. Gageons que le prochain tome reviendra à  la force du premier volume, comme pour la majorité des albums de ce prolifique auteur, artiste essentiel de la bande dessinée hexagonale. Respect, man.

Jean-François Lahorgue

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La France a peur de Nic Oumouk
scénario & dessin : Manu Larcenet
Editeur : Dargaud
Collection : Poisson pilot
48 pages – 9.80 euros
publication : avril 2007