Le Bannissement

aff film_3.jpgC’est sans doute la dernière tendance du moment en matière d’adaptation : prendre une nouvelle, texte court par définition, et la transposer en un très long-métrage – les 150 minutes sont généralement la durée minimale envisagée. Après Ang Lee et le décevant Lust, Caution, c’est au prometteur Andreî ZviaguintsevLe Retour ou les retrouvailles élégiaques entre un père et ses deux fils nous avait enchantés – de s’approprier une nouvelle – Matière à  rire de l’Américain William Saroyan – pour en faire le matériau de son second opus.

Hélas, ce très long et lent film, presque momifié dans son filmage appliqué et vitrifié, ne tient aucune promesse. Ni celle, on l’a dit, suscitée par la première oeuvre du cinéaste russe, ni même celle que Le Bannissement semble vouloir offrir dans une séquence initiale de toute beauté, à  l’atmosphère lourde, envoûtante et inquiètante. Soit une voiture roulant à  vive allure qui traverse un premier cadre constitué d’un arbre majestueux planté au milieu d’un paysage vallonné et désertique, puis se rend dans une zone industrielle, anxiogène dans son architecture et ses dimensions, avant de stopper le long d’un trottoir. Au volant du véhicule, Mark, blessé par balle, vient solliciter l’aide de son frère Alex pour extraire le projectile.
On est tentés de penser que Mark va être le personnage principal du film. Il n’en est rien puisque nous suivons ensuite Alex, sa femme et ses deux enfants, en route pour la maison de campagne familiale. Même si le soleil brille, on ne sait pas bien s’il s’agit de vacances, d’une sorte d’exil pour Alex et les siens. Le temps s’étire, rythmé par les jeux des enfants, sans que l’on sache vers quoi le réalisateur veut nous conduire. L’intrigue se cristallise enfin sur la confession de la femme d’Alex : elle est enceinte, mais pas de lui. Quelle attitude doit adopter Alex : pardon ou rejet ? Que faire de cet enfant non désiré ?

On a en tête le titre du film et on se demande sans cesse de quel bannissement il est ici question et comment il se matérialisera au long du film. En toute honnêté, il n’est pas certain qu’il y ait réponse à  cette question, juste peut-être l’idée du renvoi d’Adam et Eve du paradis originel. Ici Alex cause sa propre perte et celle de son clan pour un motif dont on comprendra ultérieurement la futilité, ce qui, du coup, agace et déroute.
Le Bannissement met donc en scène une trajectoire où se mêlent la force du fatalisme – dont on sait l’importance dans la culture slave – et la culpabilité de l’homme. Le tout traité de manière intemporelle et immatérielle : difficile de situer tout à  fait l’époque, et encore moins l’endroit.
Il n’en reste pas moins que Le Bannissement vaut surtout pour sa forme plastique. Quelques beaux plans parcourent le film, mais ceux-ci montrent mieux la cité industrielle que la campagne estivale. Les dialogues et les mouvements sont rares. L’impression qui domine est celle d’un cinéma figé, apprêté et sans faux pli, que les acteurs (visage fermé, attitude raide et altière) participent à  renforcer. Et attribuer à  Konstantin Lavronenko le prix d’interprétation masculine à  Cannes paraît du coup saugrenu.
Brillant par intermittence sur la forme, Le Bannissement souffre trop d’un fond qui lorgne ostensiblement vers une métaphysique guindée et lourdaude, envahie par la recherche de vaines paraboles.

Patrick Braganti

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Le Bannissement (Titre original : Izgnanie)
Film russe de Andreî Zviaguintsev
Genre : Drame
Durée : 2h30
Sortie : 6 Février 2008
Avec Konstantin Lavronenko, Marie Bonnevie, Alexander Baluyev…

La bande-annonce :