On se joint au concert unanime de laudations. Le chroniqueur musical d’un mag bien connu a eu une sacré bonne idée: fournir, à l’anglo-saxonne, un album hommage à un des fleurons de la pop française qui n’est pas le sempiternel Serge ou Michel.
Encore qu’une bonne idée qui eusse été réappropriée par, mettons, la bande des Enfoirés n’aurait clairement pas eu l’impact de la présente compilation.
Parce qu’impact il y a. En fait, à force de l’entendre cheminer à nos oreilles depuis notre prime adolescence, on se rend compte qu’on n’écoutait plus vraiment Daho. Enfin plutôt devrions-nous dire qu’on ne l’entendait plus vraiment comme l’association d’une musique et de paroles; mais bien plutôt comme une formule magique, aux confins de l’indé et du mainstream, une des rares formules françaises capable de s’en aller tailler des croupières à la pop anglaise, et ce depuis les années 80.
On écoutait DU Daho comme d’autres DE L’Oasis, DU Lou Reed, ou DU Siouxsie. De la pop anglaise efficace, chantée en français par la voie grave et froide d’un bonhomme bien peigné. Immédiatement reconnaissable, et efficace.
Le premier impact provient du choix des invités à ce banquet pop moderne et de leur qualité intrinsèque à s’éloigner du cadre d’origine sans le pervertir. Le talent du fan à l’initiative de la compile aux côtes du Rennais, est de s’en être allé cherché d’autres fans, collaborateurs avérés de monsieur Daho ou amateurs éclairés séduits par l’initiative. Sans qu’aucun ne cherche à rivaliser de vantardise ou d’artifice pour s’en aller briller à bon compte sur l’épaule (tatoo) de celui qu’il est censé remercier.
Du coup de Biolay à Schuller en passant par Elli Medeiros, Sébastien Tellier ou Jacno c’est à un défilé de serments d’allégeance, que l’auditeur est exposé. Un défilé de signatures crédibles de l’underground française de qualité. Doriand imite presque, dans Tombé pour la France mais les paroles du coup résonnent; Ginger Ale , les potos, s’appliquent à déconstruire le Grand Sommeil. Sébastien Tellier transforme le Des Heures Hindoues et le magnifie; Olivier Libaux et JP Nataf insistent sur la signification textuelle d’Epaule Tattoo. Jacno s’en sort bien, en roue libre sur le moins connu On s’fait la Gueule. Elli Medeiros donne la réplique à un Benjamin Biolay qui utilise les Bords de Seine pour balancer une sorte de requiem pour un con tout gainsbourgien. Elle revient seule sur Jungle Pulse à la façon de son dernier album en date, produit par Daho. Daniel Darc n’insiste pas trop. Readymade FC fait éclater Soudain. Arnold Turboust , Coralie Clément, viennent dire comment ils aiment Etienne. Des reprises formellement différentes qui subliment les originales. Des reprises aussi qui soulignent les textes de l’auteur sur lesquels on ne s’attardait pas toujours forcément, parce que, caractère fondamentalement unique de l’entreprise Dahoienne : on se laissait bercer par la voix et la mélodie, un peu comme quand on écoute un groupe pop britannique. (Tiens d’ailleurs, preuve qu’on n’est pas les seuls à écouter du Daho » à la britannique » : Quand un groupe anglais, Saint Etienne, récupéra fin du siècle un des standards du bonhomme dans la langue de Shakespeare, on ne trouvait pas ça inepte du tout). Et du coup le choc d’un constat de richesse des paroles est révélé lorsque les mots d’Etienne Daho se baladent sur les lèvres d’autres musiciens francophones, qui ne peuvent ou ne veulent se frotter à l’anglophilie pour mieux se concentrer sur son statut d’icône française.
On se délecte, au fil de tombés pour Daho de reconnaître tout à la fois le standard d’origine et de s’apercevoir de quelle manière la touche de chacun des contributeurs s’immisce dans le modèle. Comme un pull ou un manteau chapardé par un ami voire un proche dans la garde-robe où on le conservait plutôt par nostalgie; puis porté customisé ou détourné par celui qui l’a retrouvé. Pour lui donner à la fois la seconde jeunesse que le vêtement mérite et mettre en valeur la silhouette si moderne de celui qui se plait à le porter.
Tombés pour Daho donc, avant que ne tombe la France, elle-même, définitivement et durablement. Au choix, face à l’original ou à sa relecture éclairée.
Denis Verloes
Discograph
Tracklist
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Date de sortie: 14 avril 2008
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