Wonderful Town

aff film_10.jpgComment envisager la fabrication d’un film après une cataclysme qui tiendrait compte de ses conséquences sans chercher à  en restituer le déroulement et les péripéties – on laissera ce dessein aux producteurs hollywoodiens. C’est en substance la question épineuse et excitante à  laquelle le thaîlandais Aditya Assarat, 36 ans, tente de répondre à  travers son premier film. La catastrophe, c’est bien sûr le terrible tsunami de la fin 2004 qui ravagea les côtes du sud de la Thaîlande, causant des dizaines de milliers de morts, déclenchant une émotion planétaire à  laquelle l’activité principalement touristique de l’endroit (Phuket et d’autres stations balnéaires paradisiaques fréquentées par les européens et les américains) n’était sans doute pas étrangère.

L’action se situe à  Takua Pa, une petite ville éloignée de quelques kilomètres de la célèbre Phuket, où plus de 8000 personnes périrent lors du tsunami. Pour parler de la reconstruction au sens propre (celle des bâtiments et des hôtels) et au sens figuré (celle intérieure et émotionnelle qui préoccupe et fonde chacun), Aditya Assarat se concentre sur deux personnages qu’une histoire d’amour naissante va rapprocher. Elle, c’est Na, jeune femme discrète au doux sourire qui s’occupe d’un petit hôtel dans un village à  l’intérieur des terres. Lui, Ton, est un architecte venu de Bangkok superviser un chantier de reconstruction. A une demi-journée des lieux tragiques, le jeune homme n’a vu les effets du raz-de-marée qu’à  travers les médias et la télévision. Pour lui, il s’agit d’une confrontation directe avec les séquelles avant tout psychologiques du tsunami.

Le cinéaste ne se limite certes pas à  filmer une simple bluette sous fond de palmiers et de plage. Il donne à  Ton et Na une véritable épaisseur en faisant du premier un être marqué par la rupture avec la figure paternelle et de la seconde une jeune femme responsable qui doit aussi s’occuper d’un frère qu’elle n’a su empêcher de basculer du mauvais côté.
Au son d’une guitare mélodique et vaporeuse, Wonderful Town déploie toute une palette de sensations languides où l’élément aquatique prédomine : vagues de la mer, pluies d’orages, douche…La nonchalance et la douce quiétude qui s’installent sont néanmoins trompeuses mais le revirement opéré vers la tragédie latente n’amène pas Aditya Assarat à  changer de registre.

Il ne suffit donc pas d’évacuer les gravats et de s’empresser de rebâtir pour oblitérer les dégâts émotionnels d’un choc énorme. La tristesse ambiante et la désorientation qui conduisent aux comportements irrationnels demeurent présentes. Na et les habitants rescapés de Takua Pa se sont engagés sur le lent et périlleux chemin de leur propre reconstruction. Le moins évident à  appréhender et à  montrer, c’est pourtant ce que parvient à  accomplir le sensible Aditya Assarat.

Patrick Braganti

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Wonderful Town
Film thaîlandais de Aditya Assarat
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h32
Sortie : 7 Mai 2008
Avec Anchalee Saisoontorn, Ton Supphasit Kansen, Dul Yaambunying

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Le Site officiel :

La bande annonce en VO :