Mascarades

affiche_3.jpgLyes Salem, César du meilleur court-métrage avec Cousines en 2005, passe au format supérieur et signe, sur un ton délibérément léger et joyeux, une petite foire désordonnée et sympathiquement anodine. Rien, en somme, qui ne secouera le cinéma français et arabe. Non pas que Mascarades soit désagréable, loin de là , même si le rythme se perd parfois dans une construction trop hachée et que certains acteurs amateurs sont peu convaincants, mais simplement parce qu’il n’apporte rien de neuf à  la comédie, exotique ou pas, théâtrale ou télévisuelle.

Les ressorts comiques assez plats et le manque d’inventivité plaquent au sol une oeuvre dont la sincérité n’est pas mise en cause. On sourit plus qu’autre chose, pourtant l’amour pour les petites gens manque beaucoup dans l’arrière-plan ; trop concentré sur ses protagonistes, gesticulant pour pas grand-chose, le cinéaste en oublie de dépeindre un pays et son peuple, à  travers l’émotion d’un décor qui ici n’est que le prétexte à  un vaste champ de liberté pour la caméra, sans jamais que cette dernière sache capter la beauté du décor, misérable ou étendu, qui s’offre au cinéaste. Mais il y a certes quelques jolis moments (dont ce visage féminin qui sort de la pénombre) qui font que Mascarades est gentil, plaisant même.

Sauf que le scénario, unique prétexte à  une débandade de gens et de scènes foutraques sans réelles justifications (la comédie est lancée sur un malentendu tellement minimaliste et improbable que, même s’il demande à  être pris au second degré, il désamorce d’emblée la suite et la rend plus qu’anecdotique), essaye tant bien que mal de retrouver la finesse d’esprit et de mots d’un Molière oriental et moqueur. Pourtant rien n’y fait ; les calembours ne sont bons que quand ils sont (a)menés et tirés vers des conclusions attendues. Car, sans être mauvais, Mascarades part de rien et n’amène à  rien, tout en ne racontant rien. Et encore même le plaisir du cinéma ne passe pas forcément par l’intérêt qu’une oeuvre peut contenir, le fait qu’un film soit seulement porté par l’indéniable plaisir de tourner – de manière enfantine et Kusturicienne dans sa propension à  partir sans raison dans tous les sens –  paraît bien peu. En mélangeant tout et pas grand-chose, Mascarades s’essaye dans l’excentricité d’une comédie pareille à  un feu d’artifice, un peu pâle cette fois-ci et dont les combinaisons paraissent déjà  vues mille fois.
Au risque de relever… de l’artifice.

Jean-Baptiste Doulcet

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Mascarades
Film français de Lyes Salem
Genre : Comédie
Durée : 1h32
Sortie : 10 Décembre 2008
Avec Lyes Salem, Sara Reguigue, Mohamed Bouchaîd

La bande-annonce :

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4 thoughts on “Mascarades

  1. En même temps, lorsque la comédie française de référence se limite à Rrrrr ou encore Camping, et que vous jugez ce film qui « part de rien et n’amène à rien, tout en ne racontant rien », je me permet de prendre votre commentaire pour ce qu’il vaut. Il part de rien, et n’amène rien, tout en ne racontant rien.
    Mais je ne vous tiens pas en rancoeur. Je préfère mettre ça sur le compte de votre acrimonieuse addiction au cinéma nord américain.
    Alors que vous considérez que « le cinéaste en oublie de dépeindre un pays et son peuple », vous faites preuve d’une autre illustration de votre méconnaissance des finesses de notre pays et de notre peuple. Peut-être auriez vous préféré voir une description plus « indigène »? Ou encore, auriez-vous besoin de mises en scènes plus grossières pour éveiller en vous un simulacre de compréhension de la nature humaine. Mais c’est peut-être trop demander. Le « Fast Food Nation » que vous accréditez d’une note parfaite est sans nul doute le reflet de votre désir et besoin en « fast cinema nation »…

    Quel triste « artifice » pour un critique.

    Benlabed Reda.

  2. Tout d’abord je tiens à préciser que, pour ma part, ainsi je vous donne probablement raison quant à ce que vous appelez le « fast cinema nation » que je dois adorer, « RRRrrrr » est une comédie qui me fait bien rire. Je n’en dirais pas tant de « Camping » par contre, enfin bon, peu importe, des petits plaisirs coupables de temps en temps.

    Est-ce que le fait d’aimer le cinéma ‘nord-américain’ (quelle sottise, américain tout court, et que je n’apprécie pas forcément plus qu’un autre), aimer les frères Coen, Anderson, Eastwood, les grands faiseurs de cinéma, les gens qui ont du talent, est-ce que aimer ce cinéma-là est un crime en cette période? Si je laisse transparaître quelquefois une certaine adoration pour l’Amérique, en revanche, votre commentaire laisse à lui tout seul une désagréable sensation de haine sommaire. Quel Fast Food Nation suis-je en train d’accréditer? Croyez-vous que le cinéma américain est un Fast Food? C’est être ce que vous dénoncez chez moi, c’est-à-dire basique et méconnaissant, que de croire que le cinéma américain s’arrête aux films de commande, aux blockbusters niaiseux et balourds. Au contraire, je m’étais réjoui de voir, ici en France, une comédie qui s’éloigne enfin de notre Paris bien à nous, bêret et chapeau; aux jeux de mots miteux d’un Emmerdeur à la Veber et ce genre de comédie grossière et débilisante. Pourtant, et bien que je porte plus d’interêt au film de Salem qu’à la filmographie de Onteniente et consorts (croyez ce que vous voudrez), son film ne m’a guère emballé ; ce que j’appelle « oublier de dépeindre un pays et son peuple » , c’est qu’à force de vouloir être drôle à travers des clichés qui, personnellement, et j’avoue peut-être parce que je ne connais pas aussi bien que vous cette culture, ne m’ont pas spécialement fait rire, le cinéaste en oublie totalement de filmer son pays, parce que justement, une comédie, c’est pallier la tristesse par les mots et les gestes, ainsi il me semble que dans toute comédie il y a un fond de tristesse (et là je ne prends pas comme exemple les grosses comédies américaines sans finesse), ce qui échappe ici au réalisateur. D’autant plus que techniquement, le film ‘nest pas passionnant, qu’il y a des longueurs et que les acteurs jouent la carte de l’excès sans vraiment contrôler les limites. Ne croyez pas en tout cas que nous, français sans culture, sommes dans le besoin de comprendre les pays arabes par une vision « indigène » comme vous dites ; croyez-vous vraiment que nous sommmes tous des imbéciles confortablement installés dans nos préjugés? Et bien non. Vous tombez vous-même dans votre piège ; à vouloir me dénoncer comme un spectateur basique (plaignez-vous à Benzine quant à la publication de mes critiques capitalistes), ce que je n’exclus pas être de temps en temps, vous allez croire des choses qui sont terriblement fausses et font preuve d’une vision justement basique, notamment le fiat de dire que le cinéma américain n’est qu’un énorme McDonalds de bobines, ou encore que la France veut voir les pays arabes comme des indigènes. Nous avons évolué, nous aussi, et ne pensons pas tous comme vous croyez que nous pensons. Dieu merci d’ailleurs. Car si je comprends bien, puisque vous crachez sur « RRRrrrr » et « Camping » (c’est votre droit, et vous n’avez sûrement pas tort), que vous remarquez comme référence de la comédie française en général, cela veut bien dire que tous ceux qui considèrent ces comédies comme drôles sont censées être comme moi, c’est-à-dire des gens incultes et sans valeur, sans désir de découvrir, limités à leur simple vision des choses.

    Jean-Baptiste Doulcet

  3. Je tiens tout d’abord à vous remercier (à vous ou aux responsables de la modération du site) pour ce droit de réponse et cette ouverture d’esprit qui permet aux personnes raisonnables et civilisées d’échanger des avis en tenant des propos respectueux. J’accepte également volontiers et à sa juste valeur, votre Mea Culpa quant à votre aveu de « petits plaisirs coupables de temps en temps » dans la publication de vos « critiques capitalistes ». Tout ceci est tout à votre honneur.
    Néanmoins, je regrette amèrement votre interprétation (inconsciente je l’espère) de mon commentaire. Vous avez peut-être cru comprendre, ce que je n’ai nullement dit. Pour rappel, tout d’abord, je ne me souviens pas avoir osé comparer la réalisation de Salem à celle des « frères Coen, Anderson, Eastwood » ; corrigez-moi si je me trompe. Si vous admettez votre « adoration pour l’Amérique », je ne vous le reproche aucunement, je me vois attristé par votre susceptibilité. Cette « désagréable sensation de haine sommaire » que vous avez ressentie n’a, ma foi, rien à voir avec la simple évocation de mon ressentiment vis-à-vis de votre critique. Loin de moi la prétention de vouloir endosser la tenue du psychanalyste, je pense toutefois que vous pourriez accepter en revanche, que l’on critique votre propre critique.
    Lorsque je parle de « Fast Food Nation », je fais référence à l’une de vos précédentes critiques où vous aviez octroyé la note parfaite à ce film. Je n’oserai point comparer ce film à des joyaux de films tels ceux de Coppola, Scorcèse ou encore Kubrick. Comme vous pouvez le constater, je n’ai rien contre les films « US », en termes de nationalité.
    Ce fut par ailleurs avec une grande émotion que j’ai perçu votre aveu de méconnaissance de la culture algérienne (et non pas arabe, car de peur de vous perturber encore dans votre compréhension des méandres de la nature et de la complexité de la culture algérienne, qui ne saurait être uniquement étiquetée d’arabe) et peut-être pourriez-vous mieux me comprendre en faisant un rapprochement avec « Les DesChiens » qui ne sauraient être compris que par des français.
    Enfin, j’ai été désolé par votre tentative d’amalgame et de généralisation qui n’est pas digne de votre plume.
    J’ai fait part de mon avis quant au commentaire que vous avez rédigé sur le film de Salem. Je n’ai nullement généralisé en vous désignant « vous français sans culture » ni n’ai osé vous traiter « d’imbéciles confortablement installés dans [vos] préjugés ». J’aurai également préféré ne pas avoir à lire la fin de votre commentaire qui se résume en affabulations infondées répercutant des allégations diffamatoires que je n’ai pas tenu. Ma critique vise votre commentaire du film ; par conséquent, j’ai le regret de vous faire détourner de votre tentative, vaine, de m’acculer contre des pseudo-préjugés que je serai censé avoir, selon vous, sur les français. J’espère bien que vous avez évolué. Dieu merci.

  4. Il n’y a aucun problème si quelqu’un critique l’une de mes critiques! C’est aussi fait pour ça. Seulement vous vous êtes embarqués dans un « Fast Food Nation » que je n’avais pas vraiment compris ; vous avez donc lu l’une de mes critiques que j’ai du envoyé sur un site où les notations sont publiques, et donc à propos de ce « Fast Food Nation » (qui ceci dit est un film important et intéressant à mes yeux). Je n’étais pas critique à l’époque! Mais je reconnais m’êtree probablement emballé sur l’écriture légère que j’ai faite à propos de « Fast Food Nation », et pour être honnête, je ne m’étais même pas souvenu d’avoir écrit cela, donc je n’ai pas fiat le rapprochement. Ainsi à l’infondé je réponds en infondé. Mille excuses ; ceci dit certaines choses énoncées, à savoir mon interêt pour un certain cinéma américain, se maintiennent toujours. Concernant la précision sur ‘Algérien’ , j’ai bien dit Arabe pour globaliser, car il m’a semblé que votre commentaire me reprocher de vouloir une vision indigène du peuple algérien, façon de dire que la France basique ne peut qu’imaginer en indigène les pays arabes en général. Mais nous nous sommes mal compris puisque vous m’avouez ne pas avoir voulu dire ça. Tant mieux, ça me rassure! Quant aux DesChiens, j’ai beaucoup de mal… aussi français puisse être la troupe! Par contre, critiquer un commentaire, ce qui ne me pose aucun problème (on m’envoie un e-mail pour savoir si je veux que le commentaire d’un internaute sur un de mes articles soit publié ou non sur le site), ne veut pas forcément dire attaquer… Croire un instant que j’aurai voulu que le film soit ‘indigènisé’ est assez blessant, car c’est un peu croire que je ne peux avaler confortablement un film que s’il propose une vision exacte à celle que j’imagine. Qu’il se fond dans mes préjugés, autrement dit.

    Enfin, il me semble que l’on se comprend tout de même mieux…

    Jean-Baptiste

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