Wendy et Lucy

affiche_2.jpgCe n’est certes pas parce que Will Oldham – autrement connu sous le nom de Bonnie Prince Billy – est à  l’affiche de Wendy et Lucy (dont il signe aussi en toute logique la partition musicale) que nous rendons compte, de manière fort élogieuse, de la sortie du film dans ces pages qui ont depuis longtemps consacré le musicien barbu, touche-à -tout talentueux, aimant multiplier les collaborations musicales tous azimuts. Non, c’est effectivement parce que le deuxième film de Kelly Reichardt vient confirmer nos premières impressions suite à  la découverte de Old Joy,,  une excursion au fond des bois entreprise par deux vieux amis, qui pourtant pointe très vite les divergences de points de vue et de modes de vie.

Avec Wendy et Lucy, nous retrouvons la même inclination de la part de la réalisatrice pour les endroits retirés, voire sauvages, et pour les laissés-pour-compte du système américain. Plus encore que les deux compères de Old Joy, revisitant à  leur manière le mythe de Jack Kerouac et véhiculant des valeurs plus actuelles en matière d’écologie et d’ascétisme, Wendy est en galère lorsque nous faisons sa connaissance dans cette bourgade paumée de l’Oregon. Une galère qui l’a amenée à  quitter l’Indiana pour se rendre dans la lointaine Alaska, où les besoins de main d’oeuvre attirent une frange de la population précaire et délaissée. Flanquée de sa fidèle Lucy, une chienne affectueuse croisée entre un chien de chasse et un labrador, Wendy se voit malgré elle contrainte à  stationner plus que prévu. D’abord parce qu’elle perd Lucy à  la suite d’un très mauvais concours de circonstances, ensuite à  cause d’une panne sérieuse de sa voiture.

Cette halte imposée va bien sûr ébranler l’édifice bancal que constitue Wendy, dont Kelly Reichardt nous donne à  voir, de façon quasi documentaire, tous les subterfuges pour survivre, : dormir dans sa voiture, ramasser des bouteilles vides pour la consigne, se laver aux toilettes de la station-service. Pas d’apitoiement ni de misérabilisme, mais juste la volonté tenace chevillée au corps de s’en sortir. L’éloignement de Lucy, béquille évidente pour la solitaire Wendy, sonne comme le déclencheur et, malgré l’aide compassionnelle d’un vieux vigile, la réalité rattrape la jeune femme.

Ponctué de quelques moments oniriques au coin du feu, traversés de figures portant sur elles les stigmates du rejet et de la pauvreté, rappelant ainsi l’atmosphère de Old Joy, Wendy et Lucy fait aussi de son héroîne la représentante symbolique d’une part qui tend hélas à  s’accroître de la société américaine, où l’absence d’argent vous réduit à  l’immobilisation et à  l’impossibilité d’envisager le moindre projet. Malgré les convois de trains incessants et l’autoroute proche, Wendy devient prisonnière d’un lieu qui, pourtant, ne lui offre aucune hospitalité, aucun réconfort si l’on excepte le geste magnifique du gardien.
Venue elle aussi de Portland comme ses aînés Gus Van Sant et Todd Haynes, qui par ailleurs produit le film, Kelly Reichardt persévère dans la voie initiée par son premier long-métrage, : travailler avec une équipe réduite composée de proches, opter pour une économie de moyens et privilégier des interprétations minimalistes ainsi qu’une épure du traitement d’où toute psychologisation est bannie. Pour tous ces motifs et, de surcroît,,  la cohérence flagrante avec laquelle le projet est mené, Wendy et Lucy constitue un réel coup de coeur.

Patrick Braganti

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Wendy et Lucy
Film américain de Kelly Reichardt
Genre : Drame
Durée : 1h20
Sortie : 8 Avril 2009
Avec Michelle Williams, Will Patton, Will Oldham

La bande-annonce :

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