Mother

mother.jpgOu l’accomplissement d’un grand cinéaste en pleine construction.
Combat de mère acharnée pour prouver l’innocence de son fils attardé mental, le nouveau film de Bong Joon-Ho redéfinit d’emblée les codes du thriller social en y juxtaposant une multitude de tons qui, tous, ouvrent une perspective différente dans le récit afin de se resserrer vers une enquête haletante à  la recherche de la vérité. Les éléments mis en place au début, de manière désordonnée, prennent vie en plein milieu du scénario pour renforcer la distance créée autour du personnage de la mère, combattante, prônant la »vengeance morale » rapidement transformée en »crime indéfendable contre l’injustice ».

La virtuosité de Bong Joon-Ho tient dans la façon dont il confronte la moralité et les démarches justes face à  leurs paradoxes (comment l’horreur d’apprendre qu’un fils a tué pousse la mère à  prouver le contraire en tuant elle-même). La magnifique association au drame passé – qui reste un moment dans l’ombre – tient d’une recherche dramatique forte et intelligente puisqu’elle fortifie les actes présents de la mère (exceptionnelle Kim Hye-Ja) et impose au film dans son ensemble l’opposition mère-fils. Les embûches créées par le cinéaste rajoutent alors au film la crédibilité d’un combat ardu dont l’aboutissement n’en est que plus terrible. Quand il n’y a plus personne, qui pour prendre la défense des innocents ?

La réalisation en retrait, moins tape-à -l’oeil que les précédents mais d’une grande efficacité, opère par fines petites touches ; au détour d’une atmosphère sordide, d’une zone de lumière lorsque les regrets ressurgissent, de la simplicité d’un halo de soleil ou au contraire la maestria de l’effroyable bain de sang. Le cinéaste retient toute démonstration technique, évite les grands mouvements d’appareil et les amples travellings pour préférer un découpage dont la précision des lieux et des ambiances apporte au film toute sa clarté et sa limpidité »Mother » dissimule sa virtuosité et sous sa forme classique, recèle d’un grand nombre de genres affirmés, non-contestables car ils appartiennent à  la diversité d’une entité cohérente. De cela naît la force principale du film ; l’alternance entre la comédie légère, la critique des forces institutionnelles, le mélodrame romanesque de la lutte maternelle, le thriller à  rebours, tout ricoche sur une étendue sociale d’une âpreté douloureuse que Bong Joon-Ho filme sans affects. Aucune forme de sur-esthétisme ne vient lutter contre les forces naturelles du décor populaire, toutefois filtré de sa crudité frontale.

« Mother » est d’une mesuration extrême, quasi-clinique sans jamais que cette posture ne vienne entraver la limpidité de l’écriture. C’est certainement en cela ainsi que dans la constatation du mélange de ses capacités que l’on peut conclure sans risques que Bong Joon-Ho est l’un des plus prometteurs du cinéma sud-coréen.

4.gif

Jean-Baptiste Doulcet

Mother
Film coréen deBong Joon-Ho
genre : Thriller, drame
Durée : 2h10
Sortie : 27 janvier 2010
Avec Won Bin, Kim Hye-Ja, Jin Ku…