Ouragan, de Laurent Gaudé

9782742792979.jpgGaudé fait partie de ces chouchous très souvent plébiscités avant même que ne paraissent ses ouvrages, pratiquement tous best-sellers. Couronné du Goncourt pour l’académique Soleil des Scorta, notre auteur s’empare en cette rentrée littéraire 2010 d’un fait d’actualité récent on ne peut plus romanesque : l’ouragan Katrina qui s’est abattu sur la Louisiane en 2005. Interessant, une curiosité, je m’y lance avec méfiance, chat échaudé craint le Gaudé fiévreux.

Car c’est effectivement sous le signe de la fièvre, de la tourmente, du chaos que s’inscrit Ouragan, une ambiance forcément fin du monde même si tout est décrit du côté de l’humain, selon le point de vue des acteurs de la catastrophe. Et cette fin du monde résonne comme un Requiem choral, plusieurs voix, plusieurs destins s’entremêlent, et tous ces personnages que l’on suit des prémices de la tempête (Josephine Steelson, »négresse » revancharde et déterminée sent comme »une odeur de chienne » avant que Katrina ne débarque) jusqu’au bilan, forcément dramatique. Un prêtre qui devient fou, un ancien amant qui ressurgit au moment de la tempête, des prisonniers retrouvant leur liberté au tournant d’un drame…Gaudé empile des vies, les fait tournoyer dans la virevolte tragique et les fait atterrir tant bien que mal dans un post-chaos où il faudra (se) reconstruire.

Dit comme ça, métaphorique à  souhait, comme une parabole très marquée d’un pays en déliquescence, Ouragan a tout pour séduire. Mais encore une fois, la sauce ne prend pas. Déjà , la construction du roman en strates polyphoniques qui s’entrechoquent au fil des pages, on a vu mille fois. Même si sur les premières pages, Gaudé insuffle une prose assez solide, composée de phrases lyriques qui témoignent de l’agitation ambiante avant la tempête, il s’essouffle plus vite que Katrina elle-même, usant de clichés nombreux sur les personnages traités, finalement assez basiques, plutôt manichéens et souvent improbables (le prêtre…mais je ne peux en dire plus…)

Le roman est peut-être un peu trop court, il manque d’amplitude pour que l’on soit nous aussi emportés par le torrent de situations, d’émotions et de sentiments qui traversent les protagonistes. Laurent Mauvignier avait pourtant réussi ce difficile pari avec son roman choral autour du drame du stade du Heysel (Dans la foule), et Ouragan ne peut manquer d’être comparé à  ce chef-d’oeuvre. Tout pourtant aurait pu faire un grand roman à  l’américaine, fresque sociale, historique et intime d’une Amérique défigurée par cette catastrophe. Laurent Gaudé est resté petits bras face à  l’enjeu, même si on peut constater de très beaux moments, notamment au début du livre. On n’en sort pas dévasté, juste un peu ému. C’est déjà  pas si mal…

Jean-François Lahorgue

Ouragan, de Laurent Gaudé
Editions Actes Sud, 190 pages, 18 €¬
Date de parution : août 2010

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