Quartier lointain

Transposition plutôt convaincante du fameux manga de Jiro Taniguchi paru en 2002 dont il faut accepter le postulat de départ : un homme, dessinateur de bandes dessinées en manque d’inspiration, réintègre son corps d’adolescent de 14 ans et tente de changer le cours du destin (le départ inattendu et soudain de son père). Cette pirouette fantastique toujours délicate à  négocier (anachronismes et hiatus entre passé et présent) donne surtout l’occasion ici d’interroger la possible intervention d’une personne sur les décisions d’une autre. Un adolescent portant en lui une grande partie de son existence, fort de son expérience, tente rétroactivement d’infléchir un événement dont il ne connait que trop bien les ravages qu’il va impliquer dans sa vie. Quartier lointain, troisième long-métrage de Sam Garbarski, fonctionne beaucoup sur la nostalgie de la fin des années 60 : la France gaullienne où l’autorité de l’enseignant, qui peut même fumer en cours, n’a pas encore été bafouée, où les femmes sont cantonnées au foyer occupées aux taches ménagères. Ce n’est pas le plus intéressant du film, qui se singularise davantage par son atmosphère douce et apaisante. Loin du Japon, les paysages montagneux de Nantua (Ain) tracent des lignes claires et construisent un cadre protecteur aux tourments des personnages. Sans éclat de voix, sans révolte, le mal-être palpable et mystérieux s’exprime par la tristesse des regards et la rareté des échanges. l’ambiance mélancolique est renforcée par la bande-son signée du duo français Air – un choix initié par le dessinateur nippon – et par la grande justesse de l’interprétation, avec en tout premier lieu celle du jeune Léo Legrand, sensible, à  fleur de peau.
Quartier lointain est donc un beau conte, une jolie parabole toute en finesse et délicatesse sur le temps passé et surtout le temps qui passe, montrant le changement de regard que l’on peut porter sur quelqu’un sachant ce qu’il va arriver. Cela pourrait sembler d’une nostalgie facile et d’une sensiblerie consternante ; le traitement épuré et sensible éloigne le film de ces écueils grossiers et des clichés éculés.

Patrick Braganti

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Quartier lointain
Comédie dramatique belge de Sam Garbarski
Durée : 1h38
Sortie : 24 Novembre 2010
Avec Pascal Greggory, Léo Legrand, Jonathan Zaccai

La bande-annonce :