Arrietty le petit monde des chapardeurs

Quand le cinéma d’animation japonais s’inspire de la littérature anglaise pour enfants, après le massacre américano-britannique du Petit monde des Borrowers (tiré de la même source littéraire), il s’agit surtout de se réapproprier la singularité du procédé narratif et symbolique (des êtres minuscules rencontrent pour le meilleur et pour le pire les êtres humains) pour l’adapter au langage bien connu des oeuvres du studio Ghibli.

Arrietty est à  nouveau un conte enchanteur pour mieux appréhender le partage en société, une ode à  la Nature aussi bien qu’à  la différence. Le film, malgré ses touchantes envolées écologiques et l’apaisement procuré par le rythme des mouvements, par la douceur des sons naturels et les couleurs chatôyantes de la palette graphique, paraît souvent trop didactique et peu surprenant compte tenu des magies créatives de Hayao Miyazaki dans l’intégralité de sa production. Arrietty est l’héritage d’une ‘école’ de l’animation fondée par Miyazaki et Takahata dont les travaux majeurs ont ébloui le monde entier. Cette aventure-ci a moins d’emprise sur l’imaginaire et sur l’inconscient que n’en avaient celles des deux maîtres fondateurs. La liberté que l’on retrouvait chez eux comme au coeur d’un voyage en pleine Nature semble s’effacer ici au profit d’une émotion plus disneyienne, jusque dans la mièvre musique composée par Cécile Corbel (ô que l’on regrette le mélodiste Joe Hisaishi). Pourtant le film se départit des codes des studios américains par un souci du détail autrement plus ample ; on ne perd jamais le charme des crayonnages japonais ni les harmonies coloristes des esthètes dessinateurs. La mise en scène et en mouvement est d’une grande fluidité et le rendu des contrastes de niveau est impressionnant. C’est d’ailleurs l’intérêt principal du film ; l’effort concentré sur le travail des échelles de valeur constitue un labeur d’orfèvre, amenant à  une véritable matière esthétique dans l’opposition ludique et spectaculaire des décors à  taille humaine. Evidemment le film se concentre sur le point de vue unique de la vie miniature, permettant au spectateur de se rendre compte de l’effet de grandeur purement scientifique qu’il peut susciter dans la vie courante des insectes… ou des chapardeurs.

Le film est ainsi une parabole sociale doucement voilée par le spectacle aventurier. On y lit entre les lignes et les objets réduits la faille qui sépare l’homme aveugle de ce qui l’entoure, le combat du peuple contre le pouvoir et la préservation de la vie animale. Enfin, le voyage vers l’inconnu sert d’exploration identitaire et de transition vers l’âge adulte. Même s’il ne se dégage finalement que peu de magie de ce conte, Arrietty séduira sans nul doute les enfants, friands de cette animation artisanale et subtile, tout autant que les adultes qui y verront, peut-être vaguement déçus par les limites de l’âge, un agréable retour vers l’enfance.

Jean-Baptiste Doulcet

Arrietty le petit monde des chapardeurs
Film d’animation japonais de Hiromasa Yonebayashi
Durée : 1h34
Sortie : 12 Janvier 2011
Avec Mirai Shida, Ryunosuke Kamki, Kirin Kiki,…

La bande-annonce :