Fighter

Puisque les deux frangins Dicky Eklund et Micky Ward sont boxeurs, il est évidemment beaucoup question de ce sport dans Fighter, le nouveau film du réalisateur américain David O. Russell connu surtout pour Les Rois du désert (2000), l’épopée de quatre aventuriers lâchés en pleine guerre du Golfe. De boxe, donc, avec tous les rituels qui accompagnent ce sport violent et populaire, : l’atmosphère virile des salles d’entrainement peuplées de coaches autoritaires et de gamins admiratifs et l’ambiance surchauffée des soirs de combat où les adversaires se comportent comme des stars du rock avec tout le décorum de l’épate, du mauvais goût et de la surenchère. S.’il n’y avait que cela, fût-il superbement mis en scène, Fighter ne mériterait même pas la peine qu’on en parle. Car ici, l’activité en devient accessoire derrière le véritable sujet du film, : comment s’extirper d’une famille omniprésente et despotique dans laquelle Mickey, le cadet, en panne de succès, est englué, dominé et manipulé par sa mère qui, de toute évidence, lui préfère Dicky, son aîné, ancienne gloire locale de la boxe, depuis tombé dans le crack, qui veut toujours gérer la carrière de Mickey par des coups tordus.

Fighter, c’est donc le double portrait vif et cruel d’une famille particulièrement déglinguée et d’une certaine Amérique, miséreuse et inculte, coincée à  jamais dans la précarité et la débrouillardise. Quand Micky rencontre Charlene, elle est elle-même une piètre barmaid, malgré ses années d’études à  la fac. Ressassant sans fin son heure de gloire – la mise K.O. d’un boxeur célèbre – Dicky, pitoyable pantin défoncé en permanence, use de son influence malsaine sur son jeune frère plus réservé, épaulé par une mère calculatrice menant à  la baguette la famille nombreuse, ; la brochette des soeurs, plus trash l’une que l’autre, vaut le détour.

Mark Wahlberg joue avec subtilité et tout en nuances le rôle de Micky, qui, à  force de vouloir ménager à  la fois sa famille et sa petite amie, peine à  trouver sa voie et à  imposer son point de vue. On est donc d’autant plus surpris que Christian Bale ait décroché l’Oscar du second rôle pour sa composition outrancière et incontrôlée (par le réalisateur, ?). En en faisant des tonnes, il lasse le spectateur. C.’est d’abord dans les scènes plus intimistes qui opposent Micky en voie de rébellion aux siens que le film est davantage convaincant, en créant une tension palpable et irritante. Paradoxalement, en quittant le territoire américain pour un combat à  Londres, le film abandonne l’observation de la déliquescence du cercle familial pour le grand spectacle du match de boxe avec réconciliation et grands sentiments à  l’appui. De manière plus générale, le charme de Fighter réside dans son rythme soutenu, souligné par une bande originale à  l’unisson. l’énergie qui traverse le film est d’abord celle d’un certain désespoir, celle qu’il faut avoir coûte que coûte pour se sortir de la galère, échapper à  ses démons et tracer sa route. Dans cette adaptation d’une histoire vraie, on ignore si la complexité des liens entre les deux frères, ennemis d’un côté et fusionnels de l’autre, est l’interprétation ou non du cinéaste. Le retour du succès tardif pour Micky sert sans aucun doute de consolation à  Dicky, comme une vie soudain envisagée par procuration. l’apaisement et la sérénité permettent enfin à  chacun de poursuivre son existence.

Patrick Braganti

Fighter
Drame, biopic américain de David O. Russell
Durée : 1h53
Sortie : 9 mars 2011
Avec Mark Wahlberg, Christian Bale, Melissa Leo,…

La bande-annonce :