Polina, de Bastien Vivès

Il y a tout d’abord eu  » Elles  » puis le très acclamé  » Goût du Chlore  »  » Amitié Etroite  » et le magnifique  » Dans Mes Yeux « . Au centre de tous, des femmes, jeunes femmes, dépeintes dans l’espace, le contour, de leurs relations affectives. Les planches de Bastien Vivès trahissent un romantisme assumé et son talent à  mettre en scène les relations homme femme frôle parfois la poésie. Rappelons-nous les vignettes détaillées de la nageuse dans  » Goût du Chlore  » dont les gestes gracieux sont épiés par un personnage sous le charme. Ou encore les cases de  » Dans Mes Yeux  » saisies au crayon de couleur coloré, au caractère presque urgent. Dans les deux cas, d’une façon presque cinématographique, le narrateur capture la femme convoitée et en dresse le portrait, somme toute subjectif et quelque peu idéaliste.

Il nous gâte avec  » Polina  » du portrait honnête d’une danseuse étoile de ses débuts à  l’âge adulte. Son personnage féminin, flanqué dans l’univers hautement gracieux et exigeant du ballet se tiendra cependant loin de ses protagonistes antérieures – Polina est un personnage féminin contrasté et haut en couleurs. Le talent de Vivès tient aussi dans sa manière de complimenter l’histoire par un découpage presque filmique, et son choix de la pellicule noir et blanc.

Polina évolue dans un milieu de tous clichés, où l’exactitude des pas de danse, la minutie et le travail pour l’excellence l’emprisonne dans un moule nécessaire à  son succès. Le professeur redouté de tous pour son exigence, M. Bojinski, est cependant le seul avec qui elle parviendra à  communiquer, et le seul dont elle tirera l’enseignement vital à  sa carrière – il tente de lui apprendre sans prétention que la grâce ne s’obtient pas qu’au travers de la mécanique robotique de ses pas de danse.
Le trajet de Polina est un trajet qui est en rupture avec ce que personnages et lecteurs attendent d’elle. Elle abandonne l’école de danse tant convoitée, et va trébucher, et se chercher loin de sa Russie natale, jusqu’à  trouver le projet qui la passionne enfin, et lui donne ce feu dont M. Bojinski tentait de lui parler.

Polina est le premier personnage de Vivès qui ne se définit pas et n’est pas subordonné à  sa relation avec un homme. Elle existe par elle-même et nous sommes invités dans la sphère qu’elle dirige, sans pour autant pouvoir tout maitriser. Elle ne fréquente pas la bonne personne, mais il sera trop tard quand elle se décidera pour l’amoureux transi. C.’est tant pis, mais là  n’est pas le point primordial de Vivès. Polina se blesse, fait des erreurs mais apprend de celles-ci et retombe sur ses pieds. Elle lève ensuite haut la tête et le buste.
 » Polina  » est un magnifique album sur l’apprentissage sous la direction des courbes ingénieuses et du découpage inventif de Vivès. Il se lit comme une danse et se ferme comme un baissé de rideau.

Fabrice Blanchefort

Polina
scénario & dessin : Bastien Vivès
Editeur : Casterman/KSTR
210 pages – 18€¬
Parution : mars 2011

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