Mr Sim, alias Monsieur Tout-Le-Monde. D’une banalité si ultime qu’il en devient transparent, comme soumis au monde, aux choses, aux gens. Mister Sim, Maxwell de son prénom, et sa vie lambda, sans véritable anecdote ni fait remarquable, sans un malheur terrible s’abattant sur lui ou un événement extraodinaire sensé bouleverser son existence. Un personnage moyen, incognito.
Gageure pour Mister Coe, l’auteur de splendeurs contemporaines comme Testament à l’anglaise ou le cercle fermé, de centrer tout un roman sur un homme d’une fadeur exemplaire, sans enjeu ni motivation, à part celle de donner, subitement, un sens à sa vie. Sa femme le plaque, une mère et sa fille rencontrées dans un restaurant qui sont pour lui la définition de l’Amour, retrouvailles d’un père finalement inconnu en Australie : autant de points d’ancrage pour se décider mollement à retrouver ses racines, les gens qu’il a perdus, avec un nouveau job aussi con et improbable que lui : vendre des brosses à dents bio.
Scénario déceptif, mais mise en écriture de Coe toujours parfaite, on connaît le gus pour mettre en mots des situations absurdes, un peu cucul-praline ou carrément émouvantes avec une maestria qui force le respect. Ici donc, l’auteur mélange les écrits passés de ceux qui ont un jour croisé la vie de Mr Sim, des nouvelles d’aventures extraordinaires qui font jalouser ce dernier, ou les monologues saugrenus de Sim tombant amoureux de la voix féminine de son GPS. Jonathan Coe n’a pas son pareil pour rendre la monotonie captivante, des personnages moyens de vrais hommes fascinants, ou des existences qui se croisent ou se décroisent comme de véritables enjeux narratifs pleins de suspense et d’émotion.
De plus, c’est encore et toujours une critique distanciée, un peu cynique et désappointée de son pays qu’il adore : ce Royaume-Uni un peu exsangue, ses Anglais ou Ecossais toujours au bord du breakdown mais de manière silencieuse… Coe ne dépareille pas de son rôle de témoin écrit d’un pays en crise. On restera quand même sur notre faim, tant on attendait ce nouveau cru aussi émouvant ou flamboyant que les autres, mais, de par le fait, l’auteur, à trop décrire des existences un peu médiocres, finit par laisser son lecteur et ses pages sur le terrain de l’anecdotique, avec des péripéties assez ténues et pas toujours passionnantes.
Un roman trop long, un peu trop terne pour rivaliser avec ses oeuvres précédentes, qui brillaient de tous feux par leur maîtrise narrative. C’est moins le cas ici, même si on retiendra longtemps les échecs successifs de Mr Sim et sa love story platonique avec Emma GPS, qui dans la plus terrible des confidences, se contentera d’un »tournez à droite dans 400 mètres ». Vie de merde.
Jean-François Lahorgue
La vie très privée de Mr Sim, de Jonathan Coe
Gallimard, 464 pages, 20 €¬ environ
Traduit de l’anglais par Josée Kamoun
Date de parution : février 2011.