The Future

The Future pourrait être le pendant féminin, si vraiment une distinction est à  faire, du dernier film de Mike Mills : Beginners.. Les deux longs-métrages partagent cet amour des lumières de crépuscule et des matinées calmes à  Los Angeles. Ce sont deux oeuvres qui savent rendre au spectateur la sensation que quelque chose est en train de naître, quelque chose d’infime mais de décisif pour les deux personnages qui partagent l’écran. Dans The Future, le couple est déjà  formé au contraire de la rencontre hasardeuse qui unit tout d’abord les deux héros de Beginners. Chez la réalisatrice Miranda July, le traumatisme à  occulter est celui du temps présent, de la longueur, de la morosité dans le couple. Le temps des habitudes installées et celui de la peur d’être seul à  deux.

The Future est à  la fois un grand film et une comédie risible. C’est un grand film parce qu’il est la métaphore sublime et avant-gardiste d’un sujet d’actualité qui ronge l’esprit des trentenaires. La fuite du présent, plus qu’un rebondissement de science-fiction, est une véritable évasion vers un ailleurs qui sauvera le couple – ou non . Sous l’apparence d’une comédie existentielle pour bobos empruntés et en mal d’amour, The Future décrypte en fait, avec évidemment beaucoup de tics de mise en scène comme chez Mike Mills (et c’est parfois dans cette posture que le film est aussi une comédie risible), la crise conjugale et existentielle chez les trentenaires. La bizarrerie du film, autrement plus profonde et magique que dans Beginners, tient ici, ironie du sort, non pas dans le rôle d’un chien qui parle, mais… d’un chat qui parle! On croirait que les deux films ont été tournés par une même personne, mais à  la différence que The Future serait l’oeuvre de la maturité. Est-ce la sensibilité féminine de Miranda July (dont l’étrangeté physique et les idées de diction comme de mise en scène semblent futuristes comme le thème de son film) qui la rend plus sensible à  capter les profondeurs de son sujet? Même si la première partie, souvent déconcertante dans son absence de rythme pour rendre l’ennui du présent, accumule ces fameux tics de cinéma bohème et fortuné, la seconde sonne comme l’apothéose d’un style de cinéma unique et plein d’invention. Il faut voir ces superbes séquences nocturnes, cette lune qui dialogue avec l’homme, ce chat écarté du récit dont l’attente d’une vie nouvelle cristallise subtilement celle d’un couple qui veut se donner un nouveau départ.

À la différence de Beginners, il est clair que Miranda July opte pour la noirceur et le malaise. Son chat qui parle, sublime présence morbide dont on ne verra que les pattes, devient l’essence du film là  où Mike Mills ne parvenait pas à  rendre l’animal intéressant et utile. Ici, non seulement les monologues déclamés d’une voix mi-humaine mi-féline réveillent d’étranges et lointaines sensations en nous, mais en plus la bête devient l’extraordinaire métaphore du couple, c’est-à -dire l’essence du film, reliée aux antihéros en crise d’une manière plus ou moins hasardeuse. Le personnage du chat (car c’est plus d’un personnage que d’un animal dont il s’agit finalement), dépareillé de son rôle de compagnon de maison, guide le film délicatement vers un ailleurs étrange et inattendu.

Le final, véritable magie d’émotion (au sens d’une émotion primitive, à  priori surréaliste mais finalement ancrée en nous), signe la mort d’un couple finalement sans espoir. Le défaitisme tragique de Miranda July est alors bel et bien un défaitisme tragique, et non pas la simple tristesse d’une amourette terminée comme dans le sympathique bric-à -brac de Mike Mills. Car à  l’artifice visuel de ce dernier, la cinéaste lui préfère un subterfuge intellectuel et sentimental pourtant très personnel et qui dévoile clairement les obsessions et les tourments de son auteur. The Future, imparfait, agaçant, poseur, répétitif voire illuminé, reste néanmoins une nouvelle preuve de la magie du cinéma. À condition d’accepter le subtil équilibre entre humour, bizarrerie, torpeur, émotion, futurisme et obsessions morbides, le nouveau film de Miranda July pourrait bien être la confirmation d’un talent indéniable mais si différent qu’il semble impossible de savoir ce qu’il en sera dans dix ans.

Jean-Baptiste Doulcet

The Future
Drame allemand, américain de Miranda July
Sortie : 17 août 2011
Durée : 1h31
Avec Miranda July, Hamish Linklater, David Warshofsky,…

La bande-annonce :