Chroniques express 85

MANU LARROUY / WINO & CONNY OCHS / JONATHAN FITOUSSI / SUZANNE ‘ SILVER / BUT THE PLANES ARE NOT MADE OUT OF PAPER / PICORE / CHAIRLIFT / LA BOITE A OOTI / DIAGRAMS / TERAKAFT / BERROCAL FENECH TAZARTES / LEILA

 

 

 

MANU LARROUY – Des mots doux, des mots durs

Au blind test, on pourrait penser que ce nouvel album de Manu Larrouy, a été enregistré en 1985. Quelques sonorités électroniques plus actuelles nous en dissuadent. Mais pour l’essentiel,, Les mots doux, les Mots durs, évoque Etienne Daho, Charlelie Couture ou Art Mengo dans les moments moins électro-pop du disque. Le réalisateur du disque n’est autre que l’ex Innocents Jean-Christophe Urbain qui ne doit pas être innocent justement dans ce choix de couleurs. Cette orientation n’est pas désagréable en soi et permet notamment à  Alex Beaupain d’amener un peu de fraicheur dans ses mélodies mélancoliques. C’est aussi le cas ici mais avec un bonheur plus mitigé. Sympathiques ces petites historiettes écrites à  la première personne, pas transcendantes non plus. comme ce qui fait la différence entre pop et variétés, entre Beaupain et Marc Lavoine. (2.5) Denis Zorgniotti
Mercury / Universal / Janvier 2012

WINO, & CONNY OCHS – Heavy Kingdom

Scott »Wino » Weinrich est parait-il une gloire du rock et je ne le savais pas ! Normal, l’Américain quinquagénaire a été leader d’une bonne dizaine de groupes de doom métal (pas mon genre de prédilection) dont The Obsessed. Avec cet album co écrit avec son ami Conny Ochs (rien à  voir avec Phil), ce couillu de Wino passe à  l’acoustique et comme tout bon métallo qui se respecte, il le fait avec conviction (d’une voix virile assurée) et avec application et savoir-faire. On est bien dans un classic rock comme chez Alice In Chains ou Bon Jovi en acoustique. Bien troussé au demeurant, cet album manque néanmoins de prise de risques, de félures, d’originalité. Heavy Kingdom a bien des allures de repos du guerrier sous un ciel crépusculaire. Mais n’a pas déjà  entendu ça cent fois, ?, …Conny Ochs a sans doute du mal à  mettre à  mal le roc Wino pour faire entrer la musique dans une dimension moins attendue. Pourtant, des titres comme Dust (avec ochs plus présent au chant) et Here comes The Siren montrent une autre voie possible avec des effets de guitare venant perturber l’aridité du paysage et lui donnant un souffle d’étrangeté. A ce moment là , il se passe quelque chose…Dommage que le reste soit nettement plus convenu (2.5) Denis Zorgniotti
Exile on Mainstream records / Differ-ant / Janvier 2012


JONATHAN FITOUSSI – Pluralis

Musicien parisien, rattaché aux projets Fuschia Music et Two Colours, mais aussi restaurant des archives radiophoniques à  l’INA, Jonathan Fitoussi mène également une carrière solo qui voit fin 2011 la parution de son premier album, l’étonnant »Pluralis« . Dans un style résolument ambient, Jonathan Fitoussi rappelle également le son des albums de Labradford (et par extension Pan American),deux groupes auxquels on pense immédiatement à  l’écoute de ses compositions. A l’image du trio américain, Jonathan Fitoussi construit, entre guitares et claviers, des pièces musicales abstraites aux motifs répétés et qui ont l’avantage de se révéler tout de suit très attractives malgré leur aspect très dépouillé. La raison à  cela réside sans doute dans la capacité qu’à  Jonathan Fitoussi à  arranger ses sons avec soin, à  faire cohabiter les instruments de manière à  créer une musique cosmique et atmosphérique très agréable, tout en progression. Car, si tout l’art de l’ambient music est de faire avec presque rien des musiques envoûtantes, touchantes voire carrément émouvantes, à  ce petit jeu-là , Jonathan Fitoussi a réussi son coup. (4.0) Benoit Richard
Pan European Recording / décembre 2011

SUZANNE ‘ SILVER – Deadband

On plonge les deux pieds dedans dans l’album de Suzanne ‘ Silver et, c’est bien le son particulier du groupe qui vous saute d’abord à  la figure. Les Italiens sont à  la fois noise et jazz, entre guitare et saxophone, entre binaire et ternaire, entre rythmique lourde et légéreté de feux follet. , Une musique à  la fois dense et féline qui allie deux univers en apparence antinomique. A l’image de son chanteur reptilien proche du contorsionniste Jim Morrison, le groupe change facilement de climat passant de la rage à  la coolitude, d’une trompette free ou, d’un solo de guitare désarticulée à  une harmonie apaisante. Quelque part entre Jesus Lizard, The Doors et John Coltrane. Impossible n’est pas italien ! (3.5) Denis Zorgniotti
Radio is Down / Février 2012


BUT THE PLANES ARE NOT MADE OUT OF PAPER – This Wolf is afraid of a crowd of Sheep

La bio lance l’explication suivante : « Imaginez Josh Homme et sa troupe qui croisent le fantome de Jim Morrison ». Pas faux. Des Doors, But The Planes are not made out of paper (ce nom !) ont surtout pris l’orgue hammond en folie et les structures en spirale. Ajoutez à  cela un soupçon de blues, un pincée de psychédélisme et vous avez un cocktail détonnant rendu plus musclé par une approche stoner (le fameux côté QOTSA) La prise de son live est indispensable pour obtenir une telle force (Dig it ou l’épique In the rays of your life). Les Palois envoient, tout en restant insaissables. A tel point que sur No beer, no Lyrics, But the Planes (appelons-les ainsi) vire de bord et propose un titre nettement plus post-rock ;, la voix tour à  tour braillarde et séductrice a été mise en placard et la musique respire superbement.,  5 titres, 29 minutes, un coup de poing qui fait du bien et qui sait caresser, quand il le faut, , ! (4.0) Denis Zorgniotti
A Tant réver du Roi / Janvier 2012

PICORE – Assyrian Vertigo

Assyrian Vertigo n’est pas le genre d’album que l’on met comme ça pour le fun, comme fond sonore ou pour passer un éphémère moment distrayant. Pour la peine, ce n’est pas un disque que l’on »picore » plutôt le genre que l’on se prend en pleine poire dans son intégralité, sa complexité et sa densité. Les Lyonnais ne font ni dans la simplicité ni dans, le light proposant une maelstrom musical à  la croisée de différents mondes en révolte. Entre technologie et primarité, machines infernales et tribalisme,, Picore évoquera l’indus visionnaire de NIN, l’électro-dub de Lab,°, les passages tortueux de la musique progressiveou, les encore plus, inclassables Zenzile. On pourrait être dans un film de SF dystopique, ou dans un péplum, , assombri par la colère divine (d’où le nom de l’album), ;, en tout cas, on vit des moments forts. Même quand Picore fait entrer l’auditeur dans une phase de calme relatif,, celui-ci se retrouve vite englué dans une atmosphère visqueuse. Largement instrumental et produit par , les 62′ de Assyrian Vertigo nous laisse sur le cul mais aussi un peu exténué. Comme la mort de Sardanapal (dont il est question ici) qui entraine dans sa chute esclaves, femmes et chevaux dans un sanglant suicide collectif., (3.5) Denis Zorgniotti
Jarring Effects / CD1D / Février 2012

 

CHAIRLIFT –  Something

Si le premier album de Chairlift ne manquait pas de charme, situant la musique de ce groupe dans une veine electro pop minimaliste, entre boites à  rythmes légères, claviers 80.’s et guitares discrètes. Quatre ans après ce premier essai, plus un succès de publicité avec le single Bruises, mais un membre de moins (le guitariste Aaron Pfenning), le duo Caroline Polachek et Patrick Wimberly repart à  l’assauts des charts indés, avec un nouvel album produit pas Dan Carey (Hot Chip, Franz Ferdinand…). Si cette production s’avère logiquement plus mature, plus ronde et plus travaillée que la précédente, on ne peut pas dire que le groupe ait forcément changé grand chose dans sa manière de faire malgré les années. Les influences et les sonorités 80.’s de rigueur sont bien présentes, pour le reste Chairlift a bien du mal de se démarquer du tout-venant pop indé malgré un son et deux ou trois singles assez accrocheurs. Et si Chairlift est un bon produit de grande surface, bien calibré, il lui manque comme beaucoup d’autres actuellement un peu d’âme et de caractère pour s’installer durablement dans le paysage musical indié et ne pas finir noyé dans la masse. (3.0) Benoît Richard
Columbia / Sony / Janvier 2012

LA BOITE A OOTi – s/t

Nous n’avions pas parlé de La Boîte à  Ooti et c’est bien dommage. Ce premier album vaut plus que par la seule présence de Dominique A. sur les vocaux de deux (excellents) titres (le pêcheur et son ombre et surtout le Chevalier Noir). La Boite à  Ooti, c’est la rencontre d’une chanteuse, à  l’univers enfantin, et deux compositeurs tourmentés (John Trap et Arnaud le Gouëffec). A moins que cela ne soit le contraire…Il émane de ces douze titres un charme étrange, : on nage en plein onirisme et fantaisie parfois surréaliste à  la noirceur Burton-ienne., ,  La forêt enchantée est envahie de ronces et de pointes et derrière les comptines électro-pop un peu naîves, un ogre, une sorcière ou un fantôme, ne demande pas mieux que de sortir pour nous faire du mal. Ce malaise se traduit par des guitares sourdes, des sons électroniques distordus et, une ambiance gothic. Ooti, elle, continue de chanter gaiement de sa voix fluette pour une ambivalence perverse. Le trio a eu la bonne idée de faire appel au producteur vétéran Gilles Martin (Bel Canto) qui s’avère être l’homme de la situation pour créer ces univers ambigüs. (3.5) Denis Zorgniotti
YY / Novembre 2011

 

DIAGRAMS – Black Light

Au fil des mois, on a pris l’habitude de suivre les productions du petit label anglais Full Time Hobby, parce que rarement ou jamais, cette maison nous a déçus. Il suffit de jeter un petit coup d’oeil dans le rétro pour voir qu’avec The Leisure Society, Erland, The Carnival et Timber Timbre, le label nous a sur-gâté en 2011. Et l’année 2012 démarre plutôt bien avec les sorties conjointes d’un live de Tunng et cet album de Diagrams.
Sans être aussi passionnant que les trois groupes sus-cités, Diagrams, le nouveau projet de Sam Genders, ex-Tunng, livre un album plutôt agréable et en tout cas dans lequel on entre sans difficulté. Malheureusement pour Diagrams, la durée ne joue pas en trop sa faveur. Plus on avance et plus l’intérêt décroît avec au final, une impression d’uniformité assez marquée avec un paquet de morceaux interchangeables et loin d’être mémorables. De plus, la voix et les intonations de Sam Genders soufrent sans cesse de la comparaison avec Gruff Rhys et son excellent dernier album Hotel Shampoo, auquel on pense tout le temps à  l’écoute de Black Light.
Résultat, si ce premier essai de Diagrams est loin d’être raté et se montre assez souvent habile dans ses constructions, il perd aussi du coup en spontanéité. Sans doute un brin trop appliqué, manquant de mélodies accrocheuses, il finit par lasser et par se faire tout doucement oublier. (3.0) Benoît Richard
Full Time Hobby / Pias / Janvier 2012


TERAKAFT – Aratan N Azawad

Tiens un groupe malien dans Benzine ?!, Ce trio touareg s’appelle Terakaft, »caravane » en langue tamasheq, un nom fait aussi bien référence à  leur condition de nomade. Des artistes occidentaux vont piocher dans la musique africaine une partie de leur originalité (Vampire Week end, Stranded Horse…), il était normal que la réciproque soit vraie. Terakaft démontre que le rock est arrivé jusque dans la Sahara. Derrière des voix chorales pour la peine très africaines, une rythmique pépère à  la guitare électrique devient à  la longue hypnotique et une guitare lead, au son clair, tisse un fil biscornu et expressif à  travers des paysages monotones. On peut penser au blues de JJ Cale, à  Jimi Hendricks et dans les meilleurs moments du disque (Ahabib, Kek Amidi Nin) à  du Desert rock qui aurait migré de l’Arizona au Sahara. Un peu, répétitif à  la longue pour nos, oreilles, occidentales (en tout cas pour les miennes), mais dépaysement garanti. (3.0) Denis Zorgniotti
World Village / Harmonia Mundi / Mai 2011

 

JAC BERROCAL, DAVID FENECH, GHEDALIA TAZARTES – Superdisque

On peut faire un parallèle entre, Berrocal, Fenech,Tazartes, et Romano, Sclavis, Texier. Trois personnalités fortes, une base jazz, quelques effluves »worldisantes ». Pour, le trio, qui nous préoccupe ici, la vision musicale est encore plus originale et fondamentalement radicale. Il y a un vrai parti pris et celui n’est pas amené par la trompette entre cool et free, de Berrocal (membre de Catalogue), ni, par la guitare de Fenech amenant une électricité larvée à  la musique (le côté, avant-rock du disque), ni même par tout le jeu des percussions et, les accordéons qui donnent une touche éthnique bigarrée à  la Pascal Comelade ou à  ses suiveurs nippons de Pascals (l’ambiance tzigane de Quando). On s’arrêterait là  et on aurait déjà  affaire à  un disque particulier., Mais qui dit trio dit troisième larron et c’est effectivement Ghedalia Tazartes qui transporte Superdisque dans la case des albums ovni. Orchestre à  lui tout seul, Tazartes module sa voix dans des polyphonies singulières : il se change en shaman apache, , (Cochise) ou en diva délurée, passe du guttural au fluet avec une facilité déconcertante. Il implose le classique d’avant-guerre J’attendrai de Rina Ketty dans une version, qui semble, ralentie, en 16 tours et d’un autre côté prend un maniérisme de chanteur réaliste sur Sainte sur un texte de Stéphane Mallarmé. Sa présence est tout sauf neutre et pourra causer le rejet. En revanche, si l’auditeur arrive à  apprivoiser, ces voix, hors-normes et, aime errer, entre squat berlinois, tipi indien et ashram tibétain, comme nouvel espace imaginaire, alors Superdisque peut devenir une invitation au voyage, pour une transe envoutante. A sa manière, un vrai disque punk. (3.5) Denis Zorgniotti.
Sub Rosa / Janvier 2012


LEILA – U&I

On avait laissé l’Iranienne, Leila Arab, en 2008 avec un album à  consonance pop, très beau, très réussi. Malgré la qualité et les échos très favorables reçus à  l’époque pour ce 3ème album,, Leila, change une fois encore de direction pour revenir à  quelque chose de plus dur, à  des titres par moment assez expérimentaux, voire carrément bruitistes (Colony Colapse Desorder) comme c’était le cas sur ses premières galettes. Résultat, on a là  un album assez froid, assez abrasif par moment, réalisé en collaboration avec le chanteur, Mt. Sims, qui apporte sa contribution sur la moitié des titres., Malgré la variété de tonalités, de rythme, de hauteur dans les morceaux, malgré la palette sonore assez large utilisée par, Leila, l’album apparait en fin de compte assez déroutant, semblant ne pas s’adresser aux mêmes auditeurs que pour le précédent LP. Mais les gens qui suivent, Leila, depuis ses débuts savent que ce n’est pas le genre d’artiste à  faire deux fois la même chose, mais plutôt le genre à  expérimenter, à  aller sans cesse vers de nouveaux terrains de jeu qui à  laisse du monde en route. (3.5) Benoît Richard
Warp / Janvier 2012

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