Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B

René Tardi est le père de Jacques Tardi. Ce père a été enfermé durant quatre ans et huit mois au stalag IIB en Allemande après avoir été capturé par l’armée allemande en mai 40, quelque part en rase campagne,  dans le département de la Somme. Quatre années durant lesquelles lui et des centaines d’hommes vont vivre l’humiliation de la guerre, la captivité, mais aussi la faim, la saleté, la promiscuité.
Ce récit, Tardi le tire des carnets de son père, rédigés au début des années 1980,  sur des cahiers d’écoliers et sur la demande de son fils, désireux à  l’époque d’en tirer un matériau capable d’être adapté en bande dessinée. Finalement, le père d’Adèle Blanc-Sec oublié ce projet et c’est seulement en 2011 que Tardi,  décida de se replonger dans ces cahiers afin de raconter la guerre 39-45 vue par un banal soldat prisonnier au stalag IIB, nommé René Tardi.
De ces pages d’écriture, Tardi construit (aidé par deux de ses enfants) une bande dessinée dans laquelle il,  se met en scène,  enfant,,  habillé comme à  l’époque,,  marchant sur les pas de son père, le suivant à  la trace dan sa triste épopée guerrière, lui faisant sans cesse des remarques ou des critiques, l’interrogeant sur tout, le questionnant sur ses conditions détention, sur son moral, sur la vie au stalag.
A la manière des sombres récits de Céline ou d’Alphonse Boudard, dont on retrouve ici le sens de l’anecdote et du détail sordide, avec cette forme si particulière d’humour noir, de rage et de désespoir entremêlés, Tardi observe la,  guerre par le petit bout de la lorgnette, dans tout ce qu’elle a de plus banal et de plus horrible à  la fois, faisant de son père un de ces anti-héros magnifiques comme la littérature les aime tant, dessinant les champs de bataille, les soldats, les corps,  avec le même précision et la même noirceur que dans »C’était la guerre des tranchées » ou »Adieu Brindavoine ».
Mais le plus impressionnant reste la manière avec laquelle il évoque avec une verve et une style,  romanesque le quotidien de son père et des prisonniers au stalag ; cette microsociété dans laquelle chacun tient un rôle bien précis et où il faut se faire une place pour survivre aux,  mesquineries des uns et des autres,,  à  la violence des gardiens mais surtout à  la faim, où la nourriture devient l’objet de tous les trafics et de tous les enjeux au sein du camp.
Témoigne magnifique et bouleversant de la vie d’un prisonnier de guerre, »Moi, René Tardi » »  est aussi et avant tout une bande dessinée remarquablement construite, d’une grande beauté et d’une intensité dramatique remarquable. Une BD qui trouvera sa suite dans une seconde et dernière partie qui débutera à  la libération du stalag en janvier 1945.

Benoit RICHARD

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B
Scénario et dessin : Tardi
Editeur : Casterman
192 pages – 25€¬
Parution : novembre 2012