Daft Punk – Random access memories

On ne critique pas un nouvel album de Daft Punk comme on évoque le boudin artisanal de Norbert Tarayre dans le défi des chefs sur M6.

Certes les deux se font avec des tripes et des boyaux, mais le duo de motards casqués francophones a acquis un tel statut iconique dans l’hexagone que chacune de ses sorties – 3 en une grosse quinzaine d’années heeeeee oui , et j’oublie volontairement la BO dispensable de TRON – provoque une querelle des anciens et des modernes. Une lutte entre les thuriféraires du »c’était mieux avant » et les disciples du »strocool » encore plus intense avec l’avènement des réseaux sociaux.

Le nouvel opus largement fuité d’ailleurs dès avant sa sortie officielle, a évidemment fait couler beaucoup de bits sur le net. Impossible de trouver quelqu’un qui n’ait un avis sur l’album ou qui n’ait partagé sa version teutonne remix au bretzel du get lucky de single, en duo avec Pharrell Williams. Get lucky bien entendu appelé à  hanter radios, ascenseurs et oreilles pendant tout l’été 2013 et plus si affinités.

Alors as-tu vraiment envie de lire encore un avis? Mon avis sur Random access memories? As-tu vraiment envie de me lire me rétamer à  critiquer les synthés de Giorgio Moroder ou la guitare de Nile Rodgers, invités, excusez du peu, de ce nouvel album? Oui? Tant pis pour moi/toi.

Get lucky, est un grand single pop. Une mélodie au doux parfum passéiste asséné avec maestria par un Pharrell qui n’a pas peur deux seconde de poser son organe sur le toucher de Nile Rodgers. Plus funk/soul tu meurs, alors qu’on est bel et bien dans un album électro, on a failli l’oublier. Get Lucky est l’avatar 70’s des Daft Punk, qui plongent dans la nostalgie en oubliant presque l’époque dans laquelle ils vivent. Oui mais il y a ce gimmick, ce tim dam dam and get Lucky qui reste en tête même en yaourt, signe d’une grande chanson populaire. OK job done.

Mais on ne fait pas tout un album sur un single si? Et je n’aime pas Random Access Memories comme j’aurais aimé l’aimer. Trop lisse, trop propre, trop bien fait et révérant, il en devient presque aussi chiant qu’une compile Buddha Bar joué dans un de ces cafés Lounge qui continuent d exister à  Paris. RAM s’écoute partout, n’importe comment mais n’accroche jamais l’oreille pour sa nouveauté. Lisse comme une fesse de Paris Hilton après la douche. Et les invités ne changent rien. Trop occupés qu’on est à  louer leur génie intemporel. Qui y reconnaît d’ailleurs au delà  des dieux vivants sus cités, un Julian Casablancas méconnaissable ou un Gonzales rasé de trop près?

Tout au long de RAM on a l’impression de naviguer en pleine vague rétro sentimentaliste. Tout semble venir en time capsule des années 70 mi jouasses mi désabusées. Énormément de soul funk dont Daft Punk a toujours fait son lit, mais traité ici par l’angle de l’adaptation, non de la réinterprétation. Moroder et, Rodgers, veillent sur l’album comme des ombres géniales et pétrifiantes à  la fois. Des ombres qui bloquent l’album dans la décennie en question, auxquelles ne manquent en fait que Bobby Womack et Boney M pour une référence / révérence complète.

Tout est du même tonneau, sauf un contact chipé dans le chaudron de la BO de Tron et un doin it right feat. Panda Bear qui rappelle qu’on est bien chez Daft Punk ET en 2013. Le seul titre que j’aie vraiment envie de me passer en boucle pour échapper a get lucky, le seul sur lequel je tripe un peu. RAM ressemble a Daft Punk mélangeant ses souvenirs avec ceux des Chemical Brothers pour donner une bombinette propre présentable à  nos belles mamans a l’heure de l’apéro. Un disque adulte pour des adultes, par des adultes. Propre, net et sans tâche. Pas nul non, on parle de Daft punk quand même hein, mais systématiquement trop bien fini, limite obséquieux. Un peu chiant du coup.

Et moi de vous proposer une théorie vaseuse selon laquelle en 1997 Daft Punk piochait dans son patrimoine soul funk pour faire avancer la musique contemporaine d’un bond en avant plein de jeunesse et de refus des dogmes (inventant la french touche au passage); tandis que RAM creuse son histoire récente pour faire faire un bond en arrière totalement maîtrisé à  ses marottes funk de toujours. La musique contemporaine des adultes aux manettes recule en mode rétro nostalgique. Le disque que faisait Jamiroquai au tournant du siècle, mais 10 ans plus tard. Un album pour les anciens jeunes devenus leurs parents.

Denis Verloes

Tracklist

Date de sortie: 20 mai 2013
Label: Columbia / sonybmg

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2 thoughts on “Daft Punk – Random access memories

  1. La fin des capucines marque l’achèvement d’une période printanière doucereuse et nous projette dans les turbulences caniculaires.

    La fin des haricots nous projette dans le dernier Daft Punk, cuisine moléculaire cynique, qui sublime l’éloge du vide et n’a de surprenant que la vacuité de son hégémonie culturelle.

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