Baths – Obsidian

« Obsidienne : roche volcanique vitreuse et riche en silice. De couleur grise, vert foncé, rouge ou noire, elle est issue d’une lave acide« . Pour une fois, un coup d’oeil à  une célèbre encyclopédie en ligne n’aura pas été inutile et nous confirme avec certitude qu’après le bleu céruléen, la musique de Baths s’est mise à  explorer des cieux plus tourmentés, à  l’image de sa pochette.

Une mutation qui ajoute de la richesse et de la profondeur au travail de Will Wiesenfeld, absentes de son précédent et léger Cerulean, collage sonore électro hip-hop vite (et mal) rangé sous l’étiquette »chillwave » typique en fait des recherches sonores du label Anticon qui l’accueille.

Initiée par les capricieux tours du destin (une sale maladie invalidante durant de longs mois), cette plongée forcée dans le travail résonne autant comme un livre de bord personnel qu’une expulsion cathartique de l’angoisse générée par la crainte d’une issue fatale.

Débutant sur le tintinabullant et obsédant Worsening, belle porte d’entrée de l’album, Obsidian développe toujours l’appétence du jeune compositeur au timbre de falsetto pour les rythmiques hip hop et l’électronica déglinguée. Mais son évidente maîtrise musicale est ici mise au service de préoccupations essentielles, entre obsessions mortifères (Ossuary), instabilité amoureuse (Incompatible) ou auto-dénigrement masochiste (Earth Death et son noir refrain « Come kill me, I seem so little« ).

Une inspiration sombre lovée pourtant au coeur de compositions miraculeusement lumineuses, où éclate un talent de mélodiste hier insoupçonné : les Miasma Sky, Ossuary ou Phaedra réussissent ainsi l’exploit, à  la manière de Hop Chip déviants, de faire tournoyer sur le dance-floor ses humeurs bien noires.

Aussi brutal que sophistiqué, à  l’image de sa voix de falsetto voisine de celle d’Hayden Thorpe des Wild Beasts, dont quelques écoutes suffiront pour dépasser l’aspect affecté, ce fascinant livre d’heures intimes révèle de beaux chapitres : la délicatesse chagrine du splendide Ironworks hanté par un piano triste ou la puissance de l’étouffant Earth Death.

Mélange de force et de finesse, la brillance de la production, idéalement équilibrée entre froideur des machines et intimisme acoustique zébré de breakbeats et autres rayures sonores, n’est pas étrangère à la tenace séduction que déploie ce disque singulier. Un écrin sonore aussi clinique que fortement incarné, qui n’est pas sans rappeler celui du Eraser de Thom Yorke ou des productions de Son Lux pour le label Anticon (tiens, tiens), pour un artiste dont il faudra désormais surveiller la suite du parcours.

Tous deux outsiders inattendus, Baths et son Obsidian aux airs de journal intime et recueil d’électro pop dansant pour ne pas pleurer sont parvenus à  colorer nos journées estivales de notes plus inquiètes mais pas moins délectables. Mon disque de l’été, en tout cas.

Franck Rousselot

Baths – Obsidian
Date de sortie, : 12 juin 2013
Label : Anticon

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