Gontard! : L’interview

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Pour te faire un peu oublier le temps pourri, la crise et la connerie, j’ai été frapper chez Gontard!… qui a eu l’extrême gentillesse de m’ouvrir la porte, :
Ici Radio Gontard!, la station pirate, la petite flamme qui vacille dans ta nuit sans fin »contagieuse qui sait »

Stéphane Monnot, : Salut… (je sais jamais comment t’appeler, c’est énervant, tu changes de prénom à  chaque fois).
Gontard
, !, : Hello, ! Call me Gontard! J’ai une légère tendance à  la schizo, surtout sur les réseaux…

Who are you Gontard, !?
J’ai commencé à  diffuser via bandcamp des titres Gontard! en 2011 quelques mois avant la fin du groupe Nubuck (2003-2012) – nds*, : duo avec son frère, Chevalrex – qui a occupé une part non négligeable de mes batailles intérieures… Le mode opératoire était toujours le même pour ces titres, : des disques samplés, des bruits et ma voix qui déclame ou chante au gré du temps.
En 2012, une formule solo se développe en live également tout en gardant l’envie intacte de jouer en meute. En 2013, le gang était devant moi, prêt à  en découdre. Nous avons commencé par martyriser quelques standards  » home-made,  » puis en janvier 2014nous avons couché sur bande ce  » Rivoluzionari EP.,  » tout en continuant à  jouer ensemble et faire bouger notre son et nos lignes. Dans le même temps, des disques et concerts solo permettent de rester affûté.
Un nouvel EP solo est en paru (Blitz EP) et un album paraîtra début 2015 avec la même équipe de desperados.

Attaquons par la forme : ce passage au gros son sur ce 5 titres ? C’est un accident de parcours – je dis accident de parcours, ce n’est pas péjoratif du tout – ou c’est une évolution de ton style ?
Le style produit m’importe peu finalement (son massif ou piano lo-fi samplé depuis un Radiola), l’idée directrice étant l’ambiance créée au service de mots et dans le meilleur des cas d’une belle mélodie.
Le  » Rivoluzionari EP,  » n’est pas une évolution réfléchie ou un accident, c’est une recherche, une production. Alors bien sûr quand tu tiens le son de guitare rêvé, la basse de tes disques favoris, la batterie de ton enfance, tu t’enflammes. Pour le prochain disque, l’incursion sonore et textuelle sera à  chercher du côté de l’année 1972, de l’Algérie et du Teil »tu connais le Teil, ?
J’aime bien l’idée que l’on puisse avoir la même approche en musique qu’en littérature. On plante un cadre. C’est vital. Le cadre du  » Rivoluzionari EP,  » aurait pu être une salle de bal associative en 1981 où le DJ aurait parfaitement intégré toutes les musiques qui saignent et sauraient parfaitement les enchaîner.

Non, je ne connais pas Le Teil. C’est un bled d’Ardèche ? Quant au lien avec l’Algérie et 1972, ?
Le Teil est une ville sinistrée ardéchoise au bassin houiller jadis flamboyant. Un superbe film rend hommage à  ce coin paumé, sorte de Maghreb fantasmé. C’est  » Adieu Gary,  » de Nassim Amaouche.

Ce qui est certain c’est que la démarche de donner un cadre à  un travail – quel qu’il soit – est excellente. J’aime beaucoup l’idée d’homogénéité autant en musique qu’en littérature d’ailleurs… ça différencie une oeuvre d’une compile »
Et puisque tu parles de littérature dans tes compos, tes textes sont très soignés et très écrits (sous couvert de langage parlé et radical les tripes à  l’air). Il y a les petites fulgurances poétiques genre  » Roi Bâton,  » et  » Les Actes,  » des choses ultra-perso ou ressenties comme tel par l’auditeur comme  » Mon Père Etait Chanteur,  » de bons vieux manifestos façon  » Rivoluzionari,  » ou  » La France Des Epiciers, « … et des inclassables mais indispensables comme  » Johnny Guitare, « … comment travailles-tu cette partie primordiale, , ce socle – pour reprendre un mot que tu aimes bien je pense -., ?
J’écris au fil de l’eau, quasiment chaque jour, une expression, une citation, une situation, je consigne ça où je peux (carnets, ticket d’essence, téléphone, répondeur téléphonique ») puis, de temps en temps, je pars m’isoler 3 ou 4 jours pour faire télescoper les mots et les sons que je sample (un peu de la même manière d’ailleurs). Je ne reviens quasi jamais sur un texte, comme je reviens rarement dans mes productions solo sur mes mix (ça s’entend isnt’it ?), trop peur de perdre l’essence même de la raison pour laquelle j’écris, : l’instinctif, le spontané, ce qui est impossible à  étouffer. Nous avons un peu gardé cette démarche pour l’enregistrement du  » Rivoluzionari EP,  » enregistré en quelques heures avec 4 musiciens, mixé par un outlaw du son, voisin de palier. Non masterisé. Pour le prochain album, même équipe mais on va tenter la normalité procédurale.

Pour ce qui est du côté  » non réglementaire,  » de tes prods ça doit malheureusement te fermer des portes dans un monde que j’imagine assez  » masterisé,  » justement. Le fait de procéder de manière plus classique pour le prochain c’est une volonté de sortir de ta cave qui doit commencer à  être un peu étroite ? Parce que ça marche pas mal pour toi – sortir un peu de l’underground tout en préservant la qualité de ton boulot, of course.
J’ai envie d’entendre mes chansons sonner comme des disques produits que j’aime (des cordes façon BO, la basse de J.C. Vannier, les batteries ouatées et puissantes, un oud, etc ») et il est certain que le résultat sera à  priori plus diffusable sur les ondes par exemple que certaines de mes productions solo. Même si je reste persuadé que cela ne doit pas être un frein à  la diffusion, la preuve, tu sembles avoir apprécié… L’underground, franchement je ne vois pas ce qui pourrait m’en faire sortir, je ne suis pas programmé pour autre chose, je suis déjà  ravi d’y être. Et puis c’est quoi l’underground même des mecs comme Julien Doré s’en réclame…Pour un Jean-Luc Le Ténia, combien de Julien Doré? Je veux être un enfant.

Haha… Julien Doré… le punk à  bichon du Gard et de la chanson française. Chacun ses parts de marché j’ai envie de dire, ! Pierre Vassiliu c’est un peu plus de ta sensibilité non ? – pour »rebondir » sur l’annonce récente de son décès »L’inventeur du talk-over » j’ai vu passer.
C’est facile pour moi de dire qu’il a compté, une semaine après sa mort, ça sent un peu  » Champs-Elysées,  » mais c’est vrai.  » En vadrouille à  Montpellier,  »  » Film,  »  » Il Etait Tard,  » J’Ai Trouvé Un Journal,  »  » Amour Amitié,  » etc….
Du détachement, de la culture et donc du style…
Beaucoup de respect pour les plumes 70 (Ferré of course, Manset, Sheller, Souchon, Simon), de belles fulgurances… Un fond 70, une pointe lo-fi ricaine ou australe, des BO arrache-coeur, des boites à  rythmes qui tabassent, tu as mon Mojo…

Tu lis quoi comme livres ?
Je lis comme j’écoute, infidèle, je suis sur  » shuffle,  » mais j’aime particulièrement : Burroughs/ Rilke/ Manchette/ Flaubert/ Charles Fourier/ les articles de Pacadis/ Will Self/ les correspondances/ les auteurs cubains, etc… J’aime les crapules.

Bon une dernière question parce que je ne voudrais pas que tu prennes du retard dans tes prises de son : je suis complètement fan du morceau  » Rivoluzionari,  » pour te dire je me le suis mis en sonnerie de téléphone… ça terrorise mes enfants et ma femme mais j’ai l’impression de faire avancer le monde. C’est un super texte… très fin je trouve.
Que se passe-t-il entre  » Les Actes,  » et  » Rivoluzionari, « … entre ces deux textes qui de prime abord partent dans des sens opposés ? (Celle-là , c’est ma question à  la noix mais elle me trotte dans la tête depuis quelques mois… t’écris des choses qui font réfléchir Gontard!)
C’est drôle (enfin…) car le nouveau disque tournera autour également d’une idée présente sur ces deux titres.  » Rivoluzionari,  » est une facette sombre, résignée du combat. Nous avons perdu sur les idées, sur les aspirations, etc… Cependant, on peut se projeter dans un ailleurs meilleur et repeuplé comme dans  » Les Actes,  » des bastions pourris comme Neuilly ou la Suisse existeront toujours, à  nous de les contaminer au quotidien, une révolution canine en somme… Espoir (j’te jure).

C’est un peu tout ton travail qui oscille entre ces deux idées de combat et de résignation… de manière plus ou moins claire et consciente. C.’est hyper présent sur  » Comment Ramener Un Noyé A La Rive,  » ! Bref »on pourrait refaire le monde, !
Merci beaucoup Gontard, ! de ta disponibilité. à‡a a été très sympa.
Une conversation de haute voltige ! Hasta muy pronto gringO !!!!!

Entretien réalisé par Stéphane Monnot en août 2014

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Le calendrier Gontardien à  ce jour, :

– Gontard!, : le 23 octobre, en show-case aux Balades Sonores- Paris.

– Gontard! (+ Juniore + Bagarre +,  William Sheller + etc »), : le, 25 octobre au Théâtre du Rond-Point- Paris, (festival Touche Française).

– Gontard! (+ Fuzati & Orgasmic), : le 28 novembre aux Passagers du Zinc- Avignon.

– Sortie de l’album  » Repeupler,  » début 2015.