Quand Interpol a sorti son premier disque, Turn on the Bright Lights, il y a maintenant 12 ans, on se disait que le groupe avait dû arrêter son histoire en 1985 en même temps que la fin de la cold-wave. Diamant sombre encore brûlant, cet album avait mis en lumière la voix profonde de Paul Banks et des compositions vénéneuses, chantées les dents serrées et pleines de frustration, d’amours contrariées et de rage contenue. L’éclat s’est ensuite prolongé sur ses successeurs Antics et, dans une moindre mesure Our Love to Admire.
Malheureusement, le compteur de la machine à remonter le temps d’Interpol est resté bloqué depuis au même endroit et, comme son prédécesseur Interpol sorti dans l’anonymat en 2010, la nouvelle production des New-Yorkais, El Pintor déçoit dès la première écoute. Rien n’a beaucoup avancé depuis 2002 chez Interpol et le groupe commence sérieusement à tourner en rond. Paradoxalement, c’est aussi ce qui sauve une petite moitié de l’album puisque les meilleurs titres présents sur cet El Pintor plus qu’inégal sont ceux qui ressemblent le plus aux singles sortis dans le passé par Interpol (All the rage back home, Anywhere, My blue supreme, Breaker 1). Plutôt bon, mais ça sent le déjà vu.
Car quand le groupe s’aventure hors de ses propres sentiers, on frôle la catastrophe industrielle. L’anecdotique My Desire donne une première alerte confirmée par le ridicule Same town, new story. Avec sa rythmique qui se veut dansante, on s’imaginerait voir des gothiques danser le disco ! Everything is wrong démontre aussi que tourner avec U2 (en 2010) ne se fait pas sans dommages collatéraux). Ancient Ways, et Tidal Wave tentent enfin d’apporter un peu de souffle dans la garçonnière d’Interpol mais sans effet réel, ces deux morceaux évoquant plus une version dark de rock à stades.
Il manque surtout, à El Pintor un morceau phare pour basculer dans le bon, un titre qui laisse entrevoir une nouvelle voie possible pour la bande de Paul Banks. Mais l’ensemble reste assez lourd et indigeste, un peu comme les dernières productions des Kings of Leon, autre grand groupe qui s’est brûlé les ailes en voulant prendre trop brutalement un virage plus commercial. Sans doute l’une des plus grosses déceptions de cette rentrée musicale.
Julien Damien
Interpol – El Pintor
Label : Matador
Date de sortie : le 8 septembre 2014
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