Le Bureau des Légendes – Saison 1

Le Bureau des Légendes

Nouvelle création pour Canal + qui, enfin, mise du côté des séries paranoïaques à la Homeland. Pas de CIA ici, ou presque, mais la DGSE, service de renseignement extérieur français. Moins glamour aux premiers abords, et pourtant passionnant.

A la DGSE, on les appelle les légendes. Des agents du renseignement. Des espions. Des clandestins, comme le héros, Mathieu Kassovitz, alias Guillaume Debailly, alias Paul Lefebvre, alias Malotru. Beaucoup d’alias pour un homme sous couverture, planqué en Syrie, à Damas depuis six ans, à jouer les professeurs de français agrégé et arabophones (le tout en une formation éclair d’un an), chargé en douce de recruter et de tisser un réseau de sources.
La série démarre à la fin de la mission. Lorsque Malotru, exemple de nom trivial donné aux agents de la DGSE (dans la fiction comme dans la vie), rentre à Paris, serein, mais le cœur encore amoureux. La série part d’un postulat pragmatique, terriblement efficace : capter le quotidien de l’espion, entre préparatifs et contrecoups, cette hypervigilance aigüe selon la psy du service (Lea Drucker, très juste).

Au delà du retour prodigue du héros, la série se déploie sur plusieurs intrigues fils-rouges : la disparition soudaine en Algérie d’un collègue en mission, Cyclone, et les préparatifs rigoureux d’une nouvelle recrue, Marina (Sara Giraudeau) chargée d’infiltrer un prestigieux service de sismologie en Iran. Des histoires à tiroirs donc, à peine mélo lorsque le héros renoue avec sa maîtresse syrienne, mais sans cesse menées avec rigueur et suspicion, avec un sens du détail inouï, une précision et une sobriété qui donne à la série toute son ampleur, toute son apparente réalité. En cela, la série a du cran, elle sait manier la tension d’une action secrète au jeu plus silencieux de la paranoïa, jusqu’au bout, en accumulant les rebondissements solides.

LE BUREAU DES LEGENDES

Sur le papier, Le Bureau des Légendes avait des airs de ratage. Une vitrine superficielle et romantique sur la vie des espions, mais grâce à l’écriture ciselée d’Eric Rochant, le showrunner (Möbius, Mafiosa) et d’Emmanuel Bourdieu (scénariste des films de Desplechin), la série sonde avec finesse cet univers sans faire de zèle. Ici, pas d’espion à gros bras, de répliques manichéennes, les espions sont surnommés Mémé, ils conduisent des Clio, ou des camions poubelle, et ressemblent à ce voisin sosie de Jean-Pierre Darroussin.
Au delà d’intrigues parfaitement exécutées, la réussite de cette série réside ici en ce quotidien parfaitement réaliste. Ces étages ordinaires, cafétéria d’entreprise et chaises de bureau bas de gamme, ces filatures malines, sans crissements de pneus, et surtout, toutes ces astuces d’espions jamais vus, artifices ingénieux, phases de test, mensonges à double-jeu, manœuvres habiles et originales, propices au sortilège cinématographique, même dans cette ère où pullulent les séries d’espion roublardes.

Au bureau des légendes, les recrues captivent par leur quotidien monocorde. Et la série séduit par son aisance à raconter de grands récits minutieux et pragmatiques.

Julien Dufresnes-Lamy

Le Bureau des Légendes
Série française créée par Eric Rochant
Avec : Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin, Sara Giraudeau, Léa Drucker…
10 épisodes de 52 minutes
Première diffusion télé : 27 avril 2015 – Canal+

Article à retrouver sur www.blabla-series.com